Le roi Arthur
Joseph Arthur Come to where I’m from (2000, Real World / Virgin)
Quatre ans après un premier album remarquable, Big city secrets – dont il fut question pas plus loin qu’ici-même – , l’Américain Joseph Arthur revenait confirmer en beauté les promesses alors entrevues. Malgré un début de carrière proche du conte de fées, entre signature sur le label de Peter Gabriel sur la foi d’une cassette de démos et un premier concert new-yorkais qui lui valut les compliments de Lou Reed himself, on aurait tort de croire que tout fut facile pour Joseph Arthur. Il faut dire que le jeune homme traîne derrière lui de bien pesantes casseroles intimes, d’une enfance fracassée sous les coups et le mépris (exécutée avec rage sur l’époustouflant Daddy on Prozac figurant sur le premier album) à une tendance aux addictions diverses (alcoolisme dès 13 ans, drogues dures…). Donner une suite à Big city secrets ne fut bien évidemment pas une partie de plaisir, le tournant du deuxième album étant comme le sait tout amateur de rock un virage particulièrement périlleux. Pour faire bonne mesure, M. Arthur eut à traverser une sévère dépression dont il émergea notamment grâce aux chansons de l’EP Vacancy préfigurant la parution de ce deuxième opus.
No one sees me down there and no one’s getting in / I got a needle, powder, cycles and a quart of country gin / I drink and shoot and smoke until the only voice I hear / Is the one tells me those other people, don’t let anybody near
Creation or stain
Ce fut difficile donc mais Joseph Arthur finit par sortir des remous et de quelle façon. Tout ici démontre le palier franchi par rapport à un premier album pourtant très réussi. Le chant d’abord se fait plus maîtrisé, Arthur ayant semble-t-il dépassé ses complexes à se trouver, lui l’ancien bassiste professionnel, projeté derrière le micro. La production s’est arrondie aussi, grâce à l’aide précieuse de T-Bone Burnett mais sans pour autant policer le discours. Et celui-ci demeure sérieusement perturbé et perturbant. Joseph Arthur continue d’évoluer à la confluence du folk, de la pop, du blues, persistant à tordre ses chansons à l’aide de boucles et de séquences rythmiques. On pense ainsi à Tom Waits ou à un Dylan qui aurait découvert les samplers. Finalement, la vision des réalisations plastiques du garçon (sculptures et dessins passablement torturés – comme cette pochette représentant un visage dont les orbites sont habités par deux cafards) donne une assez bonne image de sa musique, de cette façon de concasser et de triturer les lignes et les formes pour donner naissance à des créations perturbées et mutantes.
I feel like taking a razor blade / And on my wrist, write an invitation / I feel like taking a loaded gun / And in my mouth, blowing up the ocean
The real you
L’album s’ouvre par le somptueux In the sun qui permit au garçon d’obtenir un mini-tube et de décrocher quelques passages radio. Après ce magnifique morceau de soleil couchant, Ashes everywhere élève encore le niveau d’ensemble en remuant des vagues de mélancolie dans un ressac mélodique sublimé. A côté de ces ballades faussement calmes, apaisées en surface mais sérieusement troublées en profondeur (on ajoutera le très beau Tattoo au lot), Joseph Arthur se fait proprement bouleversant quand l’inquiétude et la fièvre s’invitent dans sa boîte crânienne. Ce sera par exemple cet Exhausted incendiaire, fumant de tous ses nerfs ou l’halluciné Creation or a stain, soliloque malade et échevelé. Le sommet du disque est cependant pour moi l’incroyable et franchement flippant The real you, long lamento menaçant dont les reptations exposent en plein soleil les crevasses profondes de son auteur. L’album se conclut par une ballade étincelante, ce Speed of light de fugitif maudit, qui vient s’éteindre comme un brasier ou une étoile filante et vient apporter une ultime touche de grâce à l’ensemble.
In my heart is a hunger / I will never give away / Just try and stop from going under /’Till the dawn of judgment day / Living at the speed of light
Speed of light
Je m’en veux toujours un peu d’avoir perdu la trace de Joseph Arthur après son album suivant, ce Redemption son rempli jusqu’à la gueule de 2002. Le garçon continue de sortir albums et EP à un rythme soutenu, les mettant parfois librement à disposition sur son site web. L’an dernier, il délivrait ainsi un hommage à Lou Reed en reprenant 12 chansons de l’ancien leader du Velvet Underground. Tant de musique à écouter…
4 réponses
[…] Joseph Arthur Tattoo [2000, sur l’album Come to where I’m from] […]
[…] médicamenteuse (« Taking my medicine / Changing the way I am ») sur cet extrait du formidable Come to where I’m from d’un grand songwriter injustement méconnu. Joseph Arthur livre ici un morceau de pop […]
[…] obsessives. Si le disque paraît encore inégal par rapport au coup de maître que sera son Come to where I’m from de 2000, on peut déjà y retrouver tous les ingrédients qui confèrent toute son originalité à […]
[…] promesses seront confirmées d’éclatante façon avec Come to where I’m from (2000), dont j’aurai certainement l’occasion de reparler bientôt. J’avoue […]