Secrets de famille

Joseph Arthur Big city secrets (1996, Real World)

Joseph Arthur - Big city secrets

Tout avait commencé sous les meilleurs auspices pour Joseph Arthur. Repéré par Peter Gabriel, il devient le premier artiste américain à signer sur son label Real World et bénéficie dès la sortie de son premier album, ce Big city secrets, de soutiens prestigieux comme celui de Lou Reed. La suite sera plus chaotique, mais ceci est une autre histoire.

Your eyes are as big as a quarter when they’re shining / Your fingers reach down in my stomach lining / Your voice sounds just like an alley cat is crying / I got the feeling you’ve never once stopped trying to undress me / You make yourself into a mirror to reflect me

Haunted eyes

Plus de quinze ans après sa sortie, Big city secrets apparaît encore aujourd’hui comme la révélation d’une personnalité forte et singulière. Plongé dans la musique depuis ses 16 ans, Joseph Arthur affiche la maturité de ceux qui ont longtemps attendu leur heure et fourbi leurs armes dans l’ombre. On découvre ainsi un étonnant folk singer, parant ses textes effrayants d’arrangements inventifs et de mélodies obsessives. Si le disque paraît encore inégal par rapport au coup de maître que sera son Come to where I’m from de 2000, on peut déjà y retrouver tous les ingrédients qui confèrent toute son originalité à Joseph Arthur. D’abord, cette voix écorchée, rauque et granuleuse au point de parfois râper les oreilles, mais qui sait aussi prendre d’autres inflexions, du désenchantement à la colère, du ressentiment aux larmes. Ensuite, ces étonnants arrangements qui transforment ces chansons folk en d’inquiétantes constructions, grouillant d’une vie propre en arrière-plan. Au cœur de ce menaçant paysage, Joseph Arthur taille des mélodies plus obsessives qu’inventives, pleines de mauvais sang. Et on se doute bien que de sombres fantômes grattent à la porte, de vilaines araignées viennent se percher à son plafond (« In my mind’s a spider » avoue-t-il lui-même sur Crying like a man).

Every time I breath in through my nose / I wish that I had faith in you

Bottle of you

Il faut ainsi écouter ces textes effarants, d’une rare violence et d’une imposante impudeur. Ayant visiblement des comptes à régler avec sa famille, Joseph Arthur n’hésite pas à exorciser son passé au rasoir, comme sur l’extraordinaire Daddy’s on Prozac et son refrain éructé : « Put my Daddy on Prozac / I don’t think I want him back ». Le disque comporte son lot de sommets frissonnants : l’introductif Big city secret et sa rythmique détraquée, le sublime Good about me, l’impressionnant Crying like a man sur lequel la voix de Joseph Arthur semble ramper au milieu d’un territoire musical décharné. On retiendra aussi l’explosif Haunted eyes qui surgit comme une déflagration en fin d’album ou le conclusif Bottle of you qui rend palpable le manque suivant une rupture amoureuse. On déplorera bien quelques scories comme les moins convaincants Mikel K ou Marina mais Big city secrets constituait un bien prometteur début.

I’m in recovery / My daddy beat his love into me / Now I don’t care about sticks or stones / The name he called me brake my bones

Daddy’s on Prozac

Ces promesses seront confirmées d’éclatante façon avec Come to where I’m from (2000), dont j’aurai certainement l’occasion de reparler bientôt. J’avoue m’être longtemps arrêté à Redemption’s son (2002) dans la discographie de Joseph Arthur, la distribution de ses albums dans nos contrées ayant subi quelques avanies au fil du temps. Malgré des hauts et des bas personnels, le monsieur relève plutôt de la catégorie des hyperactifs, ayant fait paraître pas moins de 6 albums (le dernier offert gratuitement sur son site) et de nombreux EP au cours des dix dernières années. Cette prolixité se retrouve d’ailleurs dans les prestations scéniques du bonhomme, et je garde en mémoire le souvenir d’un concert gargantuesque de plus de deux heures avec un Joseph Arthur seul en scène, accompagné de ses seules guitares et de sa pédale loop.

3 commentaires sur « Secrets de famille »

    1. Merci pour ces compliments. Et pour excellent que soit ce disque, je trouve que le suivant est encore quelques crans au-dessus. Bravo aussi pour votre blog que j’aime beaucoup…

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