La planète des singes
Arctic Monkeys Whatever people say I am, that’s what I’m not (2006, Domino)
Les débuts des Arctic Monkeys ressemblent aux premiers pas classiques de n’importe quel groupe de rock. Deux potes de lycée, Alex Turner et Jamie Cook, reçoivent chacun une guitare pour Noël et entreprennent de fonder un groupe, inspirés notamment par la flamboyance rock du premier album des Strokes. Bientôt renforcé par un bassiste et un batteur, le quatuor commence à se produire autour de son Sheffield natal et sa réputation grandit au fil des concerts et des démos qu’il diffuse. C’est là que le groupe va bénéficier des potentialités offertes par son époque : les démos sus-dites circulent largement sur Internet, les Arctic Monkeys utilisant à plein les possibilités du web – via My Space notamment – pour se créer une base de fans dévouée avec une rapidité stupéfiante. Le groupe signe finalement chez Domino, le label en vue, et la sortie de son premier album, ce Whatever people… début 2006 est précédée d’une telle impatience qu’il s’en vendra près de 200000 copies en Angleterre en une semaine à peine, record précédemment détenu par Oasis explosé.
L’histoire est certes intéressante pour ce qu’elle révèle notamment des évolutions récentes du marché du disque mais elle ne doit pas pour autant occulter ce qui nous préoccupe ici, à savoir la musique des Arctic Monkeys. Comme tous les groupes “à hype”, les Arctic Monkeys partent, dans l’esprit de celui qui écoute un peu plus de musique que la moyenne, avec un certain handicap, qui amène souvent notre mélomane amateur à formuler cette sentence après quelques écoutes : “Oui, c’est pas mal mais bon, pas de quoi en faire tout un foin…”. Il serait néanmoins injuste pour nos quatre gandins de s’en tenir à ce verdict somme toute un brin expéditif. Il y a longtemps qu’on sait ne plus devoir attendre stupeur et tremblements extatiques de l’écoute de tous les groupes propulsés “next big thing” sur la foi de quelques titres, et on s’efforcera donc de faire fi de trop d’a priori avant de presser la touche play de notre lecteur pour chercher à cueillir simplement, si on en trouve, bonnes chansons et bons moments.
La musique des Arctic Monkeys pourrait figurer une sorte de synthèse des principales figures ayant incarné le “retour du rock” depuis le début du siècle. On entendra donc sur ce Whatever people… des riffs évoquant ici les Strokes, là les Libertines, avec un soupçon de grâce mélodique en moins cependant. L’album impressionne par l’énergie communicative qu’il dégage, et qui finit par l’emporter sur le côté un peu brouillon qui pénalise certains morceaux. A cet ADN rock omniprésent, les Arctic Monkeys ajoutent par ailleurs un goût pour le dance-floor, véritable personnage à part entière de plusieurs des titres du disque, sur lequel ils déboulent vigoureux et mal peignés pour y emmener la majorité de leurs chansons. Mais au final, c’est certainement le charisme singulier d’Alex Turner, chanteur et parolier, qui rehausse l’ensemble, le jeune homme débitant à la mitraillette ses histoires de l’Angleterre d’en bas, loin des poses d’étudiants bien nés, entre dragues foireuses, coups d’un soir et coups dans le nez. Ce flow empli de sève vient ainsi booster la puissance des meilleurs titres du disque qui déferlent sur nos oreilles comme autant de boules de nerfs, ces Still take you home, I bet you look good on the dancefloor ou l’imposant A certain romance furieux de fin d’album. Et si l’album pèche un peu par son aspect parfois mal dégrossi et une certaine uniformité de ton, on appréciera les rares instants où le groupe décélère quelque peu, sur un Riot van désabusé et incertain ou sur le petit bijou qu’est Mardy bum.
Loin d’être la sensation d’une saison, les Arctic Monkeys se sont depuis bien installés dans le paysage pop-rock mondial. Favourite worst nightmare est paru en 2007 et semble, à première écoute, avoir enrichi encore l’expression du combo. Deux autres disques ont suivi depuis mais j’avoue ne pas les connaître : Humbug en 2009 et Suck it and see en 2011. Impossible cependant de ne pas mentionner ici l’extraordinaire réussite des Last Shadow Puppets, projet parallèle conduit par Alex Turner en 2008, et qui pour le coup, vole plusieurs coudées au-dessus de cet album, malgré toutes les qualités dont il est pourvu.
2 réponses
[…] être facile pour les Arctic Monkeys de garder la tête froide après le raz-de-marée suscité par leur premier album. Propulsés (comme tant d’autres) par la presse musicale britannique comme les énièmes […]
[…] le meilleur morceau du détonant premier album des Anglais mais une bonne introduction à leur mélange explosif de punk et de pop, empli de […]