La vive allure
The Strokes Is this it ? (2001, RCA / BMG)
J’ai déjà eu l’occasion dans ces pages de parler des Strokes il y a déjà de cela quelques années mais je n’avais pas pris les choses par le début. Pour ce qui sera sans doute le dernier billet de cette année 2014, il est temps pour moi de combler cette lacune en revenant le temps de ces lignes sur cet excellent et important premier album du combo new-yorkais.
I want to steal your innocence / To me my life it don’t make sense / Your strange manners, I love you so / Why don’t you wear your new trench coat
Barely legal
Julian Casablancas, Fabrizio Moretti et Nick Valensi, tous enfants de la bourgeoisie new-yorkaise huppée et cultivée (Casablancas est ainsi le fils d’un des pontes de l’agence de mannequins Elite), commencent à répéter ensemble en 1998. Ils sont rapidement rejoints par le bassiste Nikolai Fraiture et le guitariste Albert Hammond Jr et prennent officiellement le nom de Strokes en 1999. De concerts remarqués en répétitions acharnées, le groupe se bâtit une renommée grandissante dans les clubs new-yorkais. La sortie de son premier EP, The modern age début 2001 fait l’effet d’une petite bombe dont l’impact retentit particulièrement en Angleterre. En effet, la presse rock britannique, NME en tête, fait des Strokes une figure de proue et les présente rien moins que comme les nouveaux Stones ou les nouveaux Velvet Underground. Au moment de la sortie de ce premier album, le groupe est donc quasiment attendu comme le Messie, chargé comme tant d’autre avant lui, de sauver le rock and roll à lui seul (de quoi, d’ailleurs ?).
Up on a hill is where we begin / This little story a long time ago / Stop to pretend, stop pretending / It seems this game is simply never-ending
The modern age
Mais au-delà de la hype qui les entourait à l’époque, au-delà aussi de leur image de rebelles bobos, cultivant autant leur look que leur musique, les Strokes se sont imposés comme un des groupes phares de l’époque, dont l’influence allait se faire sentir sur tout le rock à guitares des années 2000. Avec Is this it ?, les Strokes s’approprient l’héritage du meilleur rock new-yorkais, du Velvet Underground à Television en passant par Blondie. Ils en reprennent déjà pour partie une certaine imagerie, avec cette pochette salace exhibant un postérieur galbé frappé d’un gant de cuir ; ils en reprennent surtout le goût et le don pour les chansons frondeuses et altières, toutes de flambe et de morgue et qui vont si bien au teint de la jeunesse. Et s’ils estompent quelque peu les aspects les plus vénéneux de leurs modèles, les Strokes ont la bonne idée de les frotter à leur sens de la mélodie pop imparable, dégainant nombre d’accroches et de riffs d’une efficacité redoutable.
It’s hard to explain / I said the right things / But act the wrong way
Hard to explain
Dès l’introductif Is this it ?, l’auditeur cède devant le timbre tout de nonchalance affectée de Julian Casablancas, cette coolitude viscéralement new-yorkaise portée par des guitares incisives et une ligne de basse démoniaque, ronde et élastique à souhait. Les Strokes mêlent ensuite le long des dix autres chansons de l’album mélodies pop et rage punk, sonnant parfois comme les Stooges accompagnés par Tom Verlaine, par la grâce notamment de l’excellent guitariste Albert Hammond Jr. Difficile de retenir un morceau plutôt qu’un autre, tant l’énergie qui se dégage de l’ensemble s’avère roborative. On mentionnera quand même les formidables The modern age – tout d’électrique indolence – Someday ou Barely legal avec son introduction droit sortie du répertoire pop des Cure. Les Strokes conduisent leur engin sur un rythme endiablé mais sans jamais perdre le contrôle, tout en fougue racée. Au fil de leur course, ils lâchent ainsi les classieux et rageurs Last nite et Hard to explain, un New York City cops vachard envers la police de leur chère cité qui introduit le double coup de maître terminal, entre un Trying your luck empli de nostalgie et un Take it or leave it explosif et décoiffant. Les Strokes inventaient ainsi le rock garage pour coupés sport, superbement profilé, idéal pour les virées à vive allure.
Oh dear can’t you see / It’s them it’s not me / We’re not enemies / We just disagree (Is this it ?)
Le disque fit bien sûr un carton et ouvrit surtout les vannes pour le retour du rock à guitares sur le devant de la scène, traçant la voie pour entre autres les Kills, Libertines, Franz Ferdinand, Kings of Leon, etc. J’ai déjà écrit dans ces pages sur les épisodes 2 et 3 de la discographie des Strokes, et même sur l’album solo de Julian Casablancas. Je reviendrai peut-être un jour sur Angles (2011) et Comedown machine (2013).
2 réponses
[…] ans après le coup de tonnerre de Is this it? qui contribua de façon décisive au « retour du rock » (du moins pour ceux qui le croyaient […]
[…] opus, malgré toutes ses qualités, campait quand même un cran en-dessous de leur fracassant Is this it? de 2001. La réponse est oui, mille fois oui, le groupe parvenant à surpasser ses précédentes […]