Va jouer tout seul !
Julian Casablancas Phrazes for the young (2009, Sony BMG)
Après trois bonnes semaines d’absence prolongée du fait d’un incident technique indépendant de ma volonté, me voici de retour pour ce qui sera probablement la dernière (ou l’avant-dernière) note publiée ici avant des vacances méritées.
Est-il besoin de présenter Julian Casablancas ? A l’intention du lecteur béotien, je rappellerai que le jeune homme s’est illustré au cours de la dernière décennie en tant que leader des Strokes, groupe majeur de ce début de siècle dont l’influence fut en tout point fondamentale pour le retour du rock à guitares et de son folklore incidemment (des jeans slims aux baskets de marque…). J’ai déjà eu l’occasion d’afficher ici à plusieurs reprises toute mon affection pour ces New-yorkais classieux, je vous laisserai donc toute liberté d’aller lire mes articles les concernant si cela vous intéresse.
Après un troisième album étincelant et une harassante tournée menée en suivant, les Strokes ont paru s’effilocher peu à peu. Chaque membre a ainsi lancé successivement son projet parallèle, des albums solo du guitariste Albert Hammond Jr aux groupes du batteur Fabrizio Moretti (Little Joy) et du bassiste Nikolai Frailure (Nickel Eyes). Casablancas regardait sa troupe doucement s’égailler, attendant que chacun retourne au bercail pour fomenter le quatrième album des Strokes. Il s’avéra finalement que ses petits camarades de jeu n’avaient qu’une envie modérée de regagner la maison-mère, et de retrouver l’ego imposant et l’alcoolisme prononcé de leur star de leader. Julian Casablancas entreprit alors de se lancer à son tour dans un projet solo, un peu en désespoir de cause, comme un enfant abandonné par ses copains de récréation entreprend de jouer dans son coin, de construire sa cabane par lui-même et d’en imaginer les contours et les recoins seul et un brin marri.
Musicalement, on retrouve bien évidemment de sérieux airs de parenté avec les chansons des Strokes, pour nous rappeler la part prépondérante jouée par Casablancas dans l’échafaudage du répertoire du groupe. Cependant, la nouvelle contrainte imposée par l’exercice en solo provoque d’audibles répercussions. Privé de ses comparses, Julian Casablancas doit compenser: la guitare virevoltante d’Albert Hammond cède ainsi la place à des lignes de claviers assez éloignée de l’orthodoxie rock des Strokes. Casablancas affiche du coup des influences moins classieuses que celles de son combo, notamment un goût pour l’électro-pop synthétique à la OMD, dont la scie Enola gay me semble clairement citée sur l’introduction de Left and right in the dark. Globalement, Phrazes for the young ne campe pas sur les sommets arpentés par les Strokes, et certains titres se révèlent franchement dispensables, tel ce pénible 4 chords of the Apocalypse ou l’anodin Ludlow street. C’est quand notre homme regarde du côté d’une pop aux mélodies plus légères qu’il touche au but. Ainsi, Out of the blue ou l’épatant 11th dimension scintillent de mille feux comme des attractions de fête foraine. J’aime bien aussi la grandiloquence étrange de Glass mais c’est surtout le conclusif Tourist qui atteint de plus hautes cimes, avec sa boucle de guitare entêtante et ses cuivres en procession qu’on ne s’attendait pas vraiment à écouter ici. Le disque se révèle également touchant de par les confessions sans fard que son auteur expose, pas si à l’aise que ça dans ses Converse : “Somewhere along the way, my hopefulness turned to sadness / Somewhere along the way, my sadness turned to bitterness / Somewhere along the way, my bitterness turned to anger”.
S’il n’est pas vraiment un chef-d’œuvre, ce disque n’en demeure pas moins attachant par bien des aspects. Difficile aujourd’hui de présager du futur des Strokes, les membres du groupe semblant aux dernières nouvelles peu enclins à poursuivre ensemble. L’avenir nous le dira…
2 réponses
[…] de projet avec Danger Mouse et impliquant de nombreux invités de marque (James Mercer des Shins, Julian Casablancas…). D’abord bloqué par de sombres conflits contractuels et disponible uniquement en […]
[…] (7) Sur le site Billboard.com, Julian Casablancas accordait une (assez) longue interview pour revenir notamment sur les 10 ans de son album solo Phrazes for the young. […]