Printemps, été, automne, hiver… et printemps
Real Estate Atlas (2014, Domino)
Ces petits gars du New Jersey nous avaient déjà laissé une fort belle impression avec leur premier opus, Days, paru en 2011. Les voilà de retour en ce début d’année et depuis que j’ai posé mon oreille tout contre les suaves arpèges de cet Atlas, me voici proprement subjugué, à mon corps consentant, tant les 10 chansons de cet album ne quittent plus mon cerveau et mes enceintes ces derniers mois.
I can not come back to this neighbourhood / Without feeling my own age / I walk past theses houses where we once stood / I see past lives but somehow you’re still there
Past lives
Pas de révolution de palais sur ce troisième album studio des Américains ; on y trouvera plutôt une volonté de creuser plus avant et de tirer plus haut encore les qualités affichées sur leurs disques précédents. Real Estate continue de jouer une musique mariant pop-rock et folk, solidement arrimée aux cordes de ses guitares, naviguant entre les Feelies bucoliques de The good earth, R.E.M., les Byrds et les embruns des groupes shoegaze de la fin des années 1980. Mais là où tant de groupes se lassent et nous lassent sans même avoir livré leur deuxième opus, les Real Estate affinent encore le trait, affûtent leurs arguments pour toucher comme à la quintessence de leur art. On avait donc à faire à un groupe à maturation lente, prenant le temps de tracer son chemin sous les frondaisons pour effleurer une manière de perfection. Et il serait – plus encore que sur Days – profondément erroné de se laisser berner par l’apparente monochromie de ces chansons impeccables : Real Estate se révèle en effet habile orfèvre, sachant modeler l’espace et la lumière (surtout la lumière) pour conférer à ses morceaux leur sublime éclat.
I don’t need the horizon to tell me where the sky ends
Had to hear
Pour résumer, le groupe fait ici tout mieux que sur son disque précédent, son geste apparaît plus affirmé et la mélancolie qui patine l’ensemble est encore plus touchante. On sait que l’album a été enregistré tandis que Martin Courtney, l’une des têtes pensantes et lead singer du groupe, attendait son premier enfant. Tout le disque semble se situer dans cette zone charnière, ce moment propice à faire le point sur ce que l’on est devenu, ce qu’il reste de nos rêves, les choses qu’on a laissées derrière soi (l’enfance notamment) et celles qui nous attendent encore sans savoir ce qu’elles seront. Le tour de force de Real Estate est d’avoir su éclairer ses morceaux d’une telle manière que l’auditeur y verra tantôt la mélancolie qu’ils exsudent, tantôt leurs teintes printanières ou estivales. Car c’est bien un disque des quatre saisons qui s’écoule dans nos oreilles, qui de déploie puis qui se fane, qui cherche la chaleur puis le grand air.
Don’t know where I want to be / But I’m glad that you’re with me
Primitive
L’album s’avère globalement très cohérent mais on pourra néanmoins en pointer quelques temps forts. Ce sera l’introductif et cristallin Had to hear ou le nostalgique Past lives tout repeint de couleurs sépia. Ce sera le plus enjoué Talking backwards ou le gracieux et gracile Crime. Ce sera surtout l’exceptionnel Primitive, qui révèle à chaque écoute son potentiel de perfection et de finesse. Le groupe se fend également d’un instrumental clair comme un matin de printemps, le bien nommé April’s song et d’une ballade old school, balançant entre Dylan et Roy Orbison, avec How might I live.
I don’t wanne die / Lonely and uptight / Stay with me
Crime
Dans la mythologie grecque, Atlas était ce Titan qui portait sur ses épaules la voûte céleste pour qu’elle ne s’effondre pas. On l’imaginait colossal, massif et musculeux. On le verra désormais autrement, tant ces quelques chansons limpides semblent être aussi de taille à soutenir les étoiles.
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[…] dans ce classement, le groupe du New Jersey portait très haut son art modeste sur son fantastique Atlas. Cerise sur ce précieux gâteau, « Primitive » atteint une forme de perfection pop […]