La bonne hauteur
Ron Sexsmith Other songs (1997, Interscope)
Quand Ron Sexsmith est apparu sur nos radars en 1995 avec Ron Sexsmith, deuxième opus succédant à un premier passé inaperçu dans nos contrées, on n’avait déjà plus affaire à un jeune premier aux dents longues mais à un songwriter de trente ans passés ayant traversé des années de vaches maigres et ayant suffisamment bourlingué pour recouvrir ses superbes chansons d’une patine élégiaque de la plus belle eau. Porté par les suffrages d’admirateurs aussi recommandables qu’Elvis Costello ou Paul McCartney, le joufflu Canadien, en bon artisan, remettait son ouvrage sur le métier et livrait donc deux ans après l’album de la révélation ce Other songs de haute volée, confirmant du même coup au centuple les promesses esquissées par son prédécesseur.
Thinking out loud / Is all I’m doing / Trying to raise my love / Above these ruins / With each song / I kick it around
Thinking out loud
Avec ces quatorze chansons de bois tendre, distillant une jolie lumière sépia, Ron Sexsmith continue de creuser le sillon d’une musique à hauteur d’homme, pas spectaculaire pour deux sous mais capable de provoquer de merveilleux tremblements intimes. Et alors que de moins modestes et de moins intelligents auraient pu profiter du début de reconnaissance acquis avec son précédent opus pour chercher à expurger des années de frustration en jouant les fiers-à-bras revanchards, Sexsmith demeure d’une humilité bienvenue et affine encore son trait pour atteindre de nouveaux sommets. Toujours assisté du producteur Mitchell Froom et entouré d’une fine équipe de musiciens pour donner corps à ses envies (dont une étonnante Sheryl Crow à… l’accordéon), Sexsmith évolue toujours dans un registre naviguant entre country, folk et pop, quelque part entre Roy Orbison, Tim Hardin et McCartney. Avec des mots simples et justes, Sexsmith parvient à raconter les heurs et malheurs qui construisent une vie d’homme. Qu’il dépeigne un enfant star trop vite brûlé aux feux de la rampe (Child star) ou se remémore un poignant souvenir d’enfance le temps d’une chanson qui mérite sa place au Panthéon de la perfection du songwriting (Strawberry blonde), Sexsmith trouve une sorte d’équilibre exemplaire, avec sa mélancolie sans pathos et un sens exquis de la nuance.
She was not the girl next door / But the girl from ’round the corner / It was at the tail end of grade four / When she came to school one morning / All eyes were upon her / As she took her seat / Her name was Amanda, with pretty eyes of green / And hair of blonde, strawberry blonde
Strawberry blonde
C’est cette justesse de ton qui confère toute leur grâce aux arrangements subtils qui parsèment l’album, du piano et des claviers qui portent l’enlevé Average Joe aux cuivres ronds qui enveloppent le magnifique At different times. Alors certains pourront reprocher à Sexsmith une apparente unité de ton, une sorte de devoir de grisaille mais ce serait faire bien peu de cas des myriades de nuances qui scintillent dans l’arrière-plan de ces chansons sans âge. Et il suffit de prendre le temps, de se glisser dans le tempo lent du disque pour en apprécier tout le charme. Car à côté de l’insurpassable Strawberry blonde, Sexsmith glisse d’autres trésors, de l’introductif Thinking out loud à la pureté poignante de Pretty little cemetery, du lamento bouleversant While you’re waiting à la sagesse réconfortante de Honest mistake.
It’s really coming down / Raining cats and hounds / It’s falling on parades / And on the plans we’ve made
April after all
S’il ne campe pas tout à fait sur les sommets atteints par d’autres grands sismographes du cœur et de l’âme comme Lambchop ou les Go-Betweens (dans un autre registre), Sexsmith s’en approche avec ce Other songs impeccable. Il s’en rapprochera encore avec son album suivant, le formidable Whereabouts paru deux ans plus tard. Le bonhomme continue toujours son parcours dans la discrétion, faisant paraître régulièrement de nouveaux albums, le dernier en date étant sorti l’an dernier.
2 réponses
[…] Après les teintes hivernales de Ron Sexsmith (1995) et les climats de mi-saison du superbe Other songs (1997), on pourrait dire que Whereabouts navigue entre l’été et l’automne, entre […]
[…] Sexsmith reviendra deux ans après avec d’autres chansons – Other songs – qu’il hissera à un niveau encore supérieur. Le bonhomme trace depuis dans la (trop […]