That 70’s show
La playlist du soir ira, je l’espère, droit aux oreilles de celles et ceux qui, comme moi, ont vu le jour dans les années 1970. Peut-être me risquerais-je un jour à sélectionner dix chansons parmi la production musicale foisonnante de cette décennie mais pour aujourd’hui, je me contenterai d’un florilège de dix titres en évoquant chacun une année. Un moyen comme un autre de balayer en quelques chansons dix ans de la vie du monde.
1. The Stooges 1970 (1970, Fun house)
1970 sera le seul titre de cette playlist contemporain de l’année qu’il évoque. Après un premier album incendiaire paru un an plus tôt, les Stooges gardent la flamme et allument la décennie qui s’ouvre en semant les graines de la déflagration punk qui la secouera quelques années plus tard. Avec la souplesse et la bestialité des grands fauves, Iggy Pop et les frères Asheton relèvent leur rock furieux d’épices free-jazz qui font décoller ce titre incandescent et créent une drôle de tempête, dont les vents brûlants cinglent le cœur et les oreilles. Fondamental.
2. Perry Blake 1971 (1998, Perry Blake)
Je me suis intéressé comme beaucoup au premier album de ce taciturne Irlandais en 1998 puis me suis assez vite lassé de tant de grave compassion ne parvenant que trop rarement à décoller (n’est pas Tindersticks qui veut). Restent quand même quelques bons morceaux, dont ce 1971 interprété ici en public sur l’album Broken statues (2007). “There is nothing I couldn’t do for a girl in distress” : un second degré bienvenu allège une solennité qui serait sinon proche de la caricature.
3. Josh Rouse 1972 (2003, 1972)
Il faudra que je revienne ici sur cet album lumineux de cet Américain voyageur qui aligne depuis maintenant 15 ans les disques de fort belle facture. Avec sa mélodie en apesanteur, ce 1972 brille d’un éclat satiné et chaleureux, comme l’équivalent musical d’une nuit d’été à la belle étoile. On s’y lovera avec plaisir.
4. Keziah Jones 1973 (2008, Nigerian wood)
On abordera 1973 sous l’angle politique, avec ce titre de l’anglo-nigérian Keziah Jones. Le bonhomme évoque ici l’introduction de la monnaie nigériane, le naira, en 1973, les troubles économiques qui s’ensuivirent, la corruption du régime et le coup d’État militaire de 1975. Musicalement, Keziah Jones endosse plutôt les habits du troubadour un brin distancié que celle du militant en colère, avec ce drôle de mélange un peu bancal de blues et de reggae.
5. The Connells ’74-’75 (1993, Ring)
En 1993, ce groupe américain exerçant depuis le milieu des années 1980 quittait l’anonymat et décrochait un tube en or massif avec cette jolie ballade folk mâtinée d’influences celtiques. On pourra à juste titre trouver le morceau un peu lisse et plombée de quelques lourdeurs (claviers et chœurs) mais cette mélodie ligne claire emplie d’humilité se laisse au final apprécier.
6. Hushpuppies 1975 (2005, The trap)
Outre le fait de démontrer qu’il n’y avait pas que Cali à Perpignan, les gars de Hushpuppies s’y entendaient à merveille avec cet album pour jouer une pop-rock énergique et entraînante, mêlant garage-rock et pop psychédélique. Ce 1975 en est un bon exemple avec ses claviers entêtants et son dynamisme contagieux. Roboratif.
7. Yann Tiersen 1976 (2008, Tabarly – BOF)
J’ignorais jusqu’il y a peu que Yann Tiersen avait composé la bande originale d’un film dédié à Eric Tabarly. Sur celle-ci, le multi-instrumentiste breton pose ce bel instrumental naviguant entre inquiétude et élévation, mélancolie et envie d’ailleurs.
8. Nada Surf Blizzard of ’77 (2002, Let go)
1977, l’année de l’explosion punk, est ici célébrée sur un mode bien plus intimiste avec ce titre tout de retenue acoustique extrait du quatrième album de ces New-yorkais francophiles. Un voile de nostalgie entoure ce joli morceau, comme un feu de bois auprès duquel l’on pourrait se réchauffer quand le blizzard souffle sur la ville.
9. Sébastien Schuller 1978 (2005, Happiness)
A 30 ans, Sébastien Schuller se faisait remarquer en 2005 avec ce Happiness rempli de mélancolie et de mélodies oniriques et éthérées, allant chercher à leur meilleur des noises à Radiohead même. Sur cet instrumental électro-pop, le bonhomme regarde tomber quelques gouttes de piano et dessine un de ces moments creux de l’existence, où l’esprit se perd un peu et se laisse aller à un précieux vertige.
10. The Smashing Pumpkins 1979 (1996, Mellon collie and the infinite sadness)
Sans être un inconditionnel des Smashing Pumpkins, il est quand même difficile de passer à côté de cette chanson remarquable extraite du gargantuesque et culte Mellon collie and the infinite sadness auquel il faudra que je me frotte d’un peu plus près un de ces jours. Billy Corgan tresse ici un morceau lumineux, laissant le côté clair de son cerveau tourmenté prendre la main pour notre plus grand bonheur. Un classique.