Bon ben Lou Reed est mort dimanche dernier, je ne vous apprends certainement rien, sauf si vous avez passé les derniers jours dans une grotte ou en villégiature forcée au Niger. Pas question pour moi de vous proposer une énième nécrologie ni un hommage en forme de retour sur la carrière gigantesque du New-yorkais à lunettes noires. D’autres l’ont fait et bien mieux que je ne pourrais : allez voir là ou là (et aussi ici, là et encore là). Mais il me semblait difficile de ne pas écrire quelques mots sur ce sacré bonhomme, tant sa place fut grande dans ma vie, et le demeurera – c’est le propre des gens qu’on aime de ne pas disparaître.
Est-ce que Lou Reed a changé ma vie ? Non, si on considère que l’écoute de sa musique ne m’a pas fait déménager à New York, acheter derechef une guitare, me mettre à l’héroïne et arrêter mes études. Oui, si on considère que l’écoute de sa musique aura modelé en profondeur mes goûts musicaux, contribué à faire de la musique une compagne ad vitam æternam et sans exagérer, aura forgé en partie ma personnalité en façonnant ma sensibilité.
Pourtant, je ne suis pas un exégète reedien et j’avoue ne pas connaître tous les albums solo du « NYC man ». Mais il y aura eu pour moi un avant et un après Velvet Underground, comme pour tant de gens et pour à peu près les deux tiers de ceux qui remplissent les étagères de ma discothèque, de Bowie à Massive Attack, de Sonic Youth aux Kills, de Patti Smith à Lloyd Cole. Et il y aura eu Transformer, Berlin, Coney Island baby, autant de disques jamais épuisés, compagnons d’une vie qu’on perd de vue parfois quelques temps puis qu’on retrouve brillant sous un nouveau jour sans avoir rien perdu de leurs charmes originels. Et puis Lisa, et puis Stephanie, et Caroline, et Candy…
Et il me reste bien sûr tous ces souvenirs intimes liés à cette musique, l’écoute émerveillée de Make up dans la voiture d’Olivier (il se reconnaîtra) ; Venus in furs passée en boucle dans ma chambre d’étudiant ; les frissons et les larmes aux yeux à l’écoute d’ I’m set free ou de Sad song (encore tout récemment).
L’excellent Kill Me Sarah dans un fort bel hommage écrivait ces mots :
Je suis triste non pas parce qu’il ne nous sortira plus de disques pénibles et plein de prétention comme ses 3 ou 4 derniers opus, mais parce qu’avec lui disparait un pan entier de mon adolescence et même de ma vie entière. C’est le problème de ces putains d’artistes, il y a toujours un morceau de nous-même qui part avec eux.
Oui et non. Rien de moi n’est parti avec Lou Reed – si ce n’est peut-être le plaisir de le savoir en vie – lui s’en est allé mais le génie de ces « putains d’artistes », c’est bien de laisser toujours un morceau d’eux-mêmes vivre avec nous. On n’en a pas fini avec Lou Reed…