De petits miracles
Lambchop How I quit smoking (1996, City Slang / Merge)
Deuxième pierre d’une discographie qui s’apparente aujourd’hui à une véritable rivière de diamants, How I quit smoking venait confirmer à sa sortie les qualités affichées par cette troupe de musiciens de Nashville sur son formidable Jack’s tulips de 1994. Sous la férule soyeuse du génial Kurt Wagner, alpha et oméga du groupe, Lambchop poursuit ici le travail de ravalement de façade de la country initié sur son premier album, insufflant à un genre trop souvent dénaturé par excès de vulgarité des ingrédients venant lui conférer une beauté neuve : intelligence, grâce et finesse.
Pas de révolution stylistique majeure par rapport à Jack’s tulips : Lambchop continue de privilégier les tempos lents et une certaine gravité générale, évoquant au fil des morceaux aussi bien les Tindersticks que Leonard Cohen, comparaisons que ne manque pas de renforcer le timbre caverneux et tremblé de Kurt Wagner. Mais, derrière l’apparente monochromie – qui confine parfois à la monotonie sur un titre ou deux, avouons-le – de ces chansons scintille une myriade de nuances. Ce sont elles qui font vibrer la texture de cette musique, au gré des arrangements d’une infinie justesse déployés par le groupe, qui sait user d’une palette instrumentale très riche (cordes, cuivres et vents sont là) sans jamais céder à la tentation du remplissage. On soulignera ainsi la magnificence des orchestrations de cordes utilisées sur plusieurs morceaux et qui viennent relever encore la force émotionnelle de ces purs chefs-d’œuvre que sont Theöne ou le tourneboulant The man who loved beer.
L’album aligne son lot de beautés comme autant de petits miracles, du poignant Life’s little tragedy à l’extraordinaire All smiles and mariachi en passant par l’aérien Suzieju qui ferait aimer la flûte au plus obtus des hardos. D’une façon plus générale, on pourrait considérer aussi que ce How I quit smoking se recentre d’une certaine façon sur les fondamentaux du genre country via l’utilisation d’instruments plus « traditionnels » comme le pedal steel ou le banjo ; Lambchop ne fait cependant aucune révérence à des canons éculés, s’attachant bien plutôt à redonner au genre une nouvelle jeunesse, comme le firent alors en parallèle leur ami Vic Chesnutt ou les fabuleux Palace Brothers.
Avec How I quit smoking, Kurt Wagner confirmait une acuité et une finesse dans l’expression musicale lui permettant de traduire avec une justesse inestimable la chair de nos sentiments, des petites tragédies aux vraies beautés qui rythment une vie humaine. C’est ce qui nous le rendra si précieux, et le meilleur viendra…
2 réponses
[…] continue d’accommoder comme sur Jack’s tulips et How I quit smoking la country à sa sauce, emplie de sensibilité et de tendresse. On retrouve sur What another man […]
[…] un petit miracle avec cet extrait du très réussi How I quit smoking de 1996. La chanson s’ouvre comme le jour se lève ou comme une fleur éclot et on retrouve […]