Brute Nine high a pallet (1995, Capricorn)
En 1995, quelques mois après la sortie de son fantabuleux Is the actor happy? , Vic Chesnutt sortait cet album sous le pseudonyme obtus de Brute. Cet album est le fruit d’une session de 2 jours avec le groupe Widespread Panic (inconnu à mon bataillon).
On retrouve sur ce disque tous les éléments qui rendent la musique de Chesnutt si touchante: cette voix nasillarde parfois au bord de l’étranglement, cette façon de molester les vénérables traditions de la musique folk américaine, ces textes ironiques et sans concession. En fait, ce disque est à mon sens celui de Chesnutt qui se situe de la plus évidente façon dans l’héritage de Neil Young. La ballade introductive Westport ferry avec son air d’harmonica semble ainsi descendre tout droit d’Harvest.
La présence de Widespread Panic à ses côtés lui offre une rythmique plus puissante qu’à l’accoutumée, et Vic Chesnutt l’utilise à merveille (cf le quasi stonien Good morning Mr Hard on). Ainsi, sur le morceau en forme de diptyque Protein drink / Sewing machine, Vic Chesnutt déclenche un formidable ouragan sonique : tout droit inspiré des plus belles crues électriques de Neil Young, on voit sur ce morceau un Chesnutt furibard et visiblement aux anges se tenir au centre des bourrasques de guitares qu’il déclenche, assis triomphant dans l’œil du cyclone. C’est qu’il n’est jamais question de repos chez Chesnutt: il conserve tout du long de cet opus sa verve et son ironie mordante, ce regard impitoyable sur ses propres travers. Ainsi sur l’anxieux Blight peut-on entendre: « I heard some words of wisdom the other day / They went into one of my hears and out of the other one ».
Loin d’être un simple caprice, un rogaton sans importance, cet album né d’une simple session de 2 jours tient toute sa place dans l’œuvre de Chesnutt et confirme ses qualités de songwriter hors pair.