Les courageux

Midlake The courage of others (2010, Bella Union)

Midlake - The courage of others

En conclusion de mon billet traitant de son mirifique The trials of van Occupanther de 2006, je m’interrogeai à l’époque sur la possibilité pour le quintette texan de réitérer semblable coup de maître sur son nouvel opus alors en gestation. J’ai maintenant la réponse, elle est négative, mais que mes estimés lecteurs n’y voient aucune déception. Continuer d’évoluer au niveau atteint sur son précédent album eût constitué pour Midlake un exploit quasiment inhumain, et ce Courage of others culmine à des cimes suffisamment haut perchées pour prolonger notre admiration.

Plutôt que de chercher à retrouver la formule miraculeuse de son précédent chef-d’œuvre, Midlake choisit d’explorer d’autres pistes. Quand The trials of van Occupanther puisait aux sources d’un certain rock américain 70’s, les onze titres ici présents trouvent leur inspiration de l’autre côté de l’Atlantique, dans un folk britannique porté haut en son temps (fin des années 1960) par quelques éclaireurs esthètes – Fairport Convention en tête. Pas question pour autant pour Midlake de se contenter de recopier les vieux grimoires laissés par d’estimés aïeux et le groupe de Tim Smith livre une relecture très personnelle de cette musique, la frottant tantôt aux nobles écorces de Trials, tantôt aux vertiges psychédéliques de Pink Floyd (avec les haut-le-cœurs qui vont avec). Il en conserve le mystère, presque le mysticisme d’ailleurs, tant bon nombre des chansons alignées ici semblent évoquer de par leurs mélodies et leurs harmonies des processions rituelles, des cérémonies païennes dédiées à une nature divinisée, un recueillement empli d’humilité face aux tourments du monde.

Le plus impressionnant réside néanmoins dans l’étonnante homogénéité de ce disque, qui respire tout du long une atmosphère plombée par la mélancolie. Cette gravité extrême, cette componction qui semble baigner chaque morceau en arrive parfois presque à rebuter il faut bien l’avouer. Mais Midlake semble surtout confirmer qu’il n’est pas groupe à livrer facilement les clés de ses mystères. L’album ne dévoile pas ses richesses à la première écoute et risque de décourager les impatients. Une immersion prolongée dans ses méandres permet toutefois peu à peu d’en extraire de sidérantes beautés. Du souffle glacial du fervent Winter dies au lent crescendo de morceaux comme Small mountains ou Rulers, ruling all things, Midlake confirme ses talents d’orfèvre ès-songwriting. On ne pourra ainsi que s’incliner devant la majesté de l’incroyable Children of the grounds qui semble porter plusieurs morceaux en un, la subtile fragilité de Fortune ou les constructions complexes de The horn.

Attendu au tournant après un disque impérissable, Midlake se sort de l’épreuve haut la main, même si The trials of van Occupanther demeure inégalé. Tim Smith et sa troupe ont choisi de ne pas s’attarder sur leurs précédentes conquêtes mais d’aller parcourir d’autres territoires, continuant de faire montre d’une exigence exemplaire, de courage tout simplement.

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