Arizona dream
Calexico The black light (1998, Quarterstick Records)
Si Calexico apparaît officiellement en 1997, les origines du groupe remontent à la rencontre en 1990 de Joey Burns, bassiste californien, avec John Convertino, batteur de Giant Sand. Celui-ci embarque vite celui-là en tournée avec le groupe de Howe Gelb et tout ce beau monde part s’installer à Tucson, Arizona, où, en plus d’une activité de musiciens de sessions, les deux larrons officient un temps au sein du groupe The Friends of Dean Martinez. Ce projet fait long feu mais la musique y gagnera avec la fondation de Calexico.
Head back to the daily regime / Where the late night graveyard shift dampens your dream / Bitten by the desire and the spell / That leaves you stranded out on the other side of town
The ride, part II
Après un premier album passé inaperçu (y compris pour moi) paru en 1997 – Spoke – , le groupe se révèle avec cet étonnant et épatant The black light. Calexico délivre ici un fascinant melting-pot d’influences allant puiser des deux côtés du Rio Grande ; pas étonnant que Burns et Convertino aient choisi comme alias le nom d’une ville-frontière entre Mexique et États-Unis. La musique de Calexico vous entraînera dans un formidable road-movie à travers un paysage rempli de cactus, de lézards et de poussière. Elle fera souffler dans votre salon les vents du désert de l’Arizona et vous donnera envie d’enfiler poncho et sombrero pour aller descendre une tequila au saloon du coin. Mais méfiez-vous de la gueule de bois car il n’est pas question ici d’une simple addition de clichés ou d’une visite touristique. Les musiciens de Calexico ne font pas dans l’exercice de style ; ils mêlent des éléments divers (surf-rock, pop, country, mariachi, flamenco, BO de westerns spaghetti…) pour les fondre dans un tout brillant et classieux, malgré la poussière qui recouvre leurs épaulettes. The black light est un disque de grands espaces, d’horizons étoilés au-dessus de vastes étendues belles et un brin inquiétantes (Over your shoulder) et dont les chansons accueillent à bras ouverts une bordée d’instruments dépassant de beaucoup la vulgate indie-rock (accordéon, vibraphone, mandoline, trompettes…).
There’s a flower that grows in a cave / So lovely to see but need to be saved / Its’ beautiful blossom will wither and die / If ever this flower leave the darkness for daylight
Stray
Enveloppé dans un son chaud et ample au possible, Calexico livre dix-sept titres d’une impeccable fluidité, d’une souplesse parfaite. Alternant instrumentaux et titres chantés, le groupe manie une écriture cinématographique qui insuffle dans ses morceaux de l’espace et de la dramaturgie, de la tension et de la profondeur de champ. L’album est d’ailleurs pensé comme un story-board, racontant l’histoire d’un garçon qui s’ennuie dans l’hôtel où il travaille et qui se trouve pris dans diverses aventures dans le désert nocturne. Dès l’introductif Gypsy’s curse, la décor est planté et on se croirait dans une BO écrite par Ennio Morricone pour un western de Sergio Leone. On imagine la poussière soulevée par le vent, le cagnard qui accable et un village à moitié désert assoupi sous la canicule de l’après-midi. Un peu plus loin, la splendide ballade The ride (part II) emmène l’auditeur pour une virée à dos de mulet sur un sentier caillouteux tandis que When water flows évoque les ombres des Tindersticks. Sur The black light, la musique de Calexico ondoie entre scorpions et serpents à sonnettes, soulignant la part de menace qui sourd ici ou là sur cet album. Le somptueux Sideshow nous fera tournoyer jusqu’à l’ivresse sous les étoiles tandis que l’extraordinaire Minas de cobre (for better metal) jaillit comme une éruption par la grâce d’un orchestre de mariachi endiablé. Le très beau Missing évoque la voie tracée par l’immense Will Oldham avec Palace. La fièvre de la danse latine nous emporte sur Stray avant que la valse triste Old man waltz ne déroule sa mélancolie comme un lendemain de fête. L’album se clôt sur un imparable générique final avec le bien-nommé Frontera : la caméra suit l’homme qui marche vers l’autre côté de la frontière avant de prendre peu à peu de la hauteur pour embrasser l’immensité des espaces qui l’entourent. Le voyage est fini, le film aussi…
There’s an angel at your side / Who rescued you in the nick of time / Explains how you almost fell / And vanished into a fatal spell / She looks into your eyes and sees / There’s something still missing
Missing
Calexico eut un impact certain dans nos contrées, et on doit en partie à la grâce de ce disque d’avoir reboosté l’inspiration de Jean-Louis Murat qui leur dédiera un morceau sur son formidable Mustango de 1999. Le groupe poursuit sa carrière et vient de sortir un nouvel opus en septembre, Edge of the sun. J’avoue les avoir un peu délaissés après leur Hot rail de 2000 qui m’avait un brin laissé sur ma faim malgré quelques très bons morceaux. J’essaierai de reprendre le fil de leur discographie très vite.
A mon sens, Black light est vraiment parfaitement réussi de bout en bout…
Pour Mustango, album que je ne connais pas bien, il n’y a pas juste un titre dédié à Calexico : l’album a été enregistré en partie à Tucson, avec la participation de Calexico et Howe Gelb : http://www.jlmurat.com/spip.php?article26
Merci du commentaire. Oui, bien sûr, je savais que Murat est allé enregistrer là-bas avec les gars du groupe, d’ailleurs, c’est très perceptible dans tout le son de l’album. Mais je n’ai pas voulu développer… Très bon album en effet que Black light même si je le trouve parfois un peu long. A très bientôt, et continuez aussi de votre côté, c’est toujours un plaisir de vous lire et je découvre plein de choses.