Dans la douceur des fjords
Kings of Convenience Quiet is the new loud (2001, Source)
C’est en 2001 que surgit sur le devant de la scène indé ce duo norvégien, originaire de la ville de Bergen. Avec ce premier album, Erlend Oye (celui qui porte des lunettes) et Erik Glambek Boe (celui qui n’en porte pas) se retrouvèrent intronisés par une partie de la presse anglaise chefs de file d’un mouvement néo-acoustique aussi vite oublié qu’apparu, le titre même du disque faisant office de slogan tout trouvé pour une critique en mal d’inspiration. Kings of Convenience nous permit surtout de poser un premier regard vers les terres scandinaves où commençait de bouillonner une passionnante scène folk, qui nous livra depuis les précieux Thomas Dybdahl, José Gonzalez ou encore Peter von Poehl.
Quiet is the new loud ressemble à une certaine image que l’on peut se faire de la Scandinavie: luxe, calme et volupté, entre chalets de bois et paysages enneigés que l’on regarde engourdi derrière sa fenêtre au fil d’un hiver qui n’en finit pas. Sur un canevas de guitares acoustiques, le duo délivre une musique douce et boisée, mélodieuse et harmonieuse. Les chansons de Kings of Convenience procurent à l’auditeur un havre de beauté délicate, qui s’adapte à toutes les saisons: entre arpèges printaniers bercés de soleil doux et ballades pour soirs d’hiver au coin du feu. Le groupe sait surtout composer de magnifiques pépites folk-pop, finement parées de réminiscences jazz ou bossa, rêvant du Brésil depuis ses paysages de fjords, évoquant le précieux souvenir du fabuleux premier album d’Everything but the Girl, cet Eden dont il faudra bien que je parle ici un jour ou l’autre. Le duo se fait expert en harmonies vocales, les voix des deux comparses se mêlant parfaitement pour illuminer l’ensemble et situer le groupe dans la lignée évidente de Simon & Garfunfel. Les textes tournent essentiellement autour des rudesses et des espoirs nés des relations amoureuses, apportant une touche de fraîcheur juvénile à l’ensemble.
Dans le détail, j’avoue une petite préférence pour les quatre premiers morceaux de l’album, tous aussi superbes les uns que les autres. Winning a battle, losing the war nous enveloppe dans un plaid douillet rembourré de mélancolie. Toxic girl est une ballade entêtante à la mélodie buissonnière qui pourrait sans pâlir figurer sur les premières œuvres de Belle & Sebastian. Singing softly to me nous joue ensuite un air de bossa-nova les pieds dans la neige, une trompette feutrée venant percer la brume environnante et lentement réchauffer l’atmosphère. Le magnifique I don’t know what I can save you from vient à son tour nous remuer le cœur et le cerveau, la grâce des voix de Oye et Boe à l’unisson. Le reste de l’album défile ensuite dans une sorte de léthargie cotonneuse, pêchant par endroit par une certaine monotonie que l’on pourra trouver plus ou moins ennuyeuse en fonction de son humeur. On peut aussi aimer à se laisser bercer par cette musique douce et lénifiante, comme on aime à passer certains après-midis blottis sur un canapé à regarder tomber la pluie au-dehors.
Les Kings of Convenience viendront pimenter quelque peu leur mixture en publiant quelques mois plus tard un remarquable album de remixes des titres de ce disque intitulé Versus, venant apporter un éclairage nouveau sur leur musique et afficher des influences moins évidentes. Loin d’être de simples admirateurs dévots des mélodies folk et de la vulgate acoustique, le groupe laissait se dérégler ses belles mécaniques un peu sages par des ajouts électroniques apportant à l’ensemble une respiration nouvelle. Erlend Oye ne cessera par la suite de prospecter dans le monde de la musique électronique, se fendant notamment d’un album électro en 2003 sur le label Astralwerks, Unrest. En 2004, le groupe sortira un nouvel album, Riot on an empty street mais j’avoue ne pas l’avoir écouté. Après plusieurs années de séparation, Kings of Convenience a fait paraître l’an dernier le très bon Declaration of dependence dont il sera question dans ces pages incessamment.
PS: j’ai eu l’occasion de voir le groupe en concert à Strasbourg en 2001, outre la beauté de la prestation, j’avais surtout pris un vrai coup de vieux, voyant pour la première fois des musiciens ostensiblement plus jeunes que moi, déjà filant dans l’âge adulte alors qu’eux y entraient du bout des orteils.
A voir ci-dessous une interprétation live du sublime Winning a battle, losing the war:
4 réponses
[…] « Dans la douceur des fjords […]
[…] ne recommandera jamais assez le folk scandinave des deux garçons de Kings of Convenience, dont ce premier album nous avait fortement séduit à l’époque. Parallel lines est de ces chansons contre […]
[…] Kings of Convenience I don’t know what I can save you from [2001, sur l’album Quiet is the new loud] […]
[…] Suédois d’être rattaché à une sorte de mouvement néo-folk scandinave, dans la foulée du premier album fondateur des Kings of Convenience et aux côtés d’un Thomas Dybdahl par exemple. Si une indéniable proximité – […]