Cheval vapeur
Sparklehorse Good morning spider (1998, Parlophone)
Après cette petite (et appréciable) pause estivale, je reprendrai peu ou prou les choses où je les avais laissées et c’est donc avec Sparklehorse que je remets le pied à l’étrier.
Pour Mark Linkous, la période qui suivit la parution de Vivadixiesubmarinetransmissionplot fut des plus éprouvantes. Au début de l’année 1996, un dangereux mélange de tranquillisants plongea notre homme dans une inconscience de plusieurs heures, durant lesquelles ses jambes demeurèrent coincées sous le reste de son corps. Linkous manqua d’en perdre l’usage et dut traverser une longue période de convalescence. Good morning spider apparaît donc comme un véritable disque de rémission, un retour à la vie, un peu à la manière (toutes proportions gardées) du phénoménal Rock bottom de Robert Wyatt.
On y retrouve un Linkous à la fois marqué par l’épreuve et ébahi d’y avoir survécu, enfant innocent surpris et effrayé par le monde qui l’entoure. D’un point de vue musical, Sparklehorse creuse le sillon tracé par son premier opus, entre pop atmosphérique, folk lumineux et décharges punkisantes, le tout entrecoupé de bidouillages sonores venant parasiter l’ensemble. La musique de Linkous parait en fait se “vaporiser” peu à peu, quitter le plancher des vaches pour s’élever à des altitudes seulement foulées par quelques anges. Les chansons de Sparklehorse accentuent une pente onirique déjà présente sur le premier album qui trouvera son prolongement dans les albums suivants, mais jamais elles ne risquent l’insignifiance ou l’insipidité, conservant une profondeur de champ hors du commun. La grâce, tout simplement.
Comment ne pas parler de grâce en effet à l’écoute du fabuleux Sunshine, dont la lumière bouleversante m’évoque les plus beaux plans naturalistes de l’œuvre de Terrence Malik. Difficile de ne pas être hébété de bonheur à l’écoute d’un titre pareil… Linkous aligne de surcroît d’autres atouts de premier ordre, tel ce terrassant Maria’s little elbows, que ceux qui ont un tant soit peu connu la solitude ne pourront qu’écouter avec une boule dans la gorge (“Sometimes you feel you’ve got the emptiest arms in the whole world / Trying to make sense but it always comes out absurd”). A côté de ces éminents chefs-d’œuvre, on ne manquera pas de distinguer d’autres morceaux de choix, des furibards Pigs et Cruel sun à la beauté recroquevillée de St Mary.
Après un premier disque marquant, Sparklehorse confirmait avec ce deuxième opus son rang de songwriter d’exception, trouvant moyen de surpasser les beautés déjà semées précédemment. Cette course à l’échalote franchira un autre palier avec le merveilleux It’s a wonderful life de 2001. On y reviendra certainement à l’occasion…