Étalon or
Sparklehorse Vivadixiesubmarinetransmissionplot (1995, Parlophone/Capitol)
Avant une parenthèse estivale d’au moins trois bonnes semaines, je trouverai finalement le temps de consacrer une dernière note au génie défunt de Mark Linkous, alias Sparklehorse, décédé au mois de mars de cette année. Comme un modeste bouquet déposé sur sa tombe encore fraîche…
A la parution de ce premier album remarquable et remarqué, Mark Linkous fait déjà figure de cheval aguerri. Après une jeunesse passablement cabossée passée du côté de la Virginie profonde, Linkous prit ses jambes à son cou pour aller vivre ses fantasmes de rock-star du côté de New York puis de Los Angeles, au sein des obscurs Dancing Hoods. Comme tant d’autres, il y fracassa une partie de ses espoirs et regagna sa Virginie natale avec une sévère addiction aux drogues qui lui valut une bonne cure de désintoxication. De retour au pays, Linkous sembla se ranger des voitures, gagnant sa vie comme ramoneur ou peintre en bâtiment, tout en continuant à enregistrer ses propres compositions dans son home-studio. Une cassette de ses morceaux atterrit finalement dans les bureaux du label Capitol qui s’empressa de le faire signer pour ce premier album au titre imprononçable.
On peut penser que Sparklehorse a bénéficié à l’époque des brèches ouvertes par toute une génération de songwriters américains remettant à l’honneur, en pleine débâcle grunge, les airs de l’Amérique traditionnelle et allant puiser allègrement (si l’on peut dire) aux sources du folk, du blues et de la country pour en affirmer la suprême vitalité. De Will Oldham (Palace) à Mark Kozelek (Red House Painters), de Mark Eitzel (American Music Club) à Bill Callahan (Smog), de Beck à Mazzy Star, une cohorte d’auteurs de premier ordre éclatait à nos oreilles ébahies, imprimant pour ma part une marque indélébile à la formation de mes goûts musicaux… La récente éclosion de la scène folk française (Cocoon, Syd Matters, Coming Soon…) leur doit également beaucoup mais c’est une autre histoire…
Si Sparklehorse arpente les vastes territoires de l’Americana, il ne manque pas d’y creuser son propre sillon. Marqué par la furie punk à son adolescence, Linkous use aussi de ces influences pour parsemer son album d’électrisantes détonations, du bilieux Tears on fresh fruit à la sécheresse épatante de Someday I will treat you good, morceau qui valut au groupe un certain succès à l’époque sur les campus américains. Linkous aime aussi parasiter le déroulé de ses morceaux, soit en plaçant ici ou là quelques interludes bruitistes (Little bastard choo choo), soit en jouant sur les effets pour déguiser sa voix. Les influences de Sparklehorse le portent aussi vers une pop cristalline, nimbant d’onirisme les meilleures de ses compositions, comme cet introductif Homecoming Queen tuant de beauté et tout en références shakespeariennes : « A horse, a horse / My kingdom for a horse ». Cette alternance de ballades à pleurer (Heart of darkness, Most beautiful widow in town) et de coups de semonce électriques ne peut qu’évoquer la figure tutélaire de Neil Young, auquel Linkous vient se mesurer sans rougir. Parmi les faits d’armes majeurs de ce disque de clairières et d’orages, on retiendra également la lente procession caniculaire de Weird sisters et les incroyables cahots du magistral Cow et son banjo chauffé à blanc par une guitare en furie.
Je reviendrai certainement ici sur la discographie ultérieure de Sparklehorse, Linkous alignant les albums comme autant de coups de maître d’une folle beauté, culminant avec son It’s a wonderful life de 2001. En 2009, Linkous collabora à un drôle de projet avec Danger Mouse et impliquant de nombreux invités de marque (James Mercer des Shins, Julian Casablancas…). D’abord bloqué par de sombres conflits contractuels et disponible uniquement en téléchargement (libre) sur Internet, le disque vient de paraître sous le nom de Dark Night of the Soul. Mark Linkous s’est donné la mort d’un coup de carabine dans la poitrine en mars dernier.
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