Les mystères de l’Ouest
Swell 41 (1994, Beggars Banquet)
Deux ans après l’excellent …Well?, Swell confirmait sa place singulière dans le paysage musical des années 1990 avec ce remarquable 41. Près de quinze ans après, à la réécoute de ces morceaux anthracite, on se rend compte que les propositions musicales de l’ alors quatuor San Franciscain n’ont rien perdu de leur pertinence.
A première vue pourtant, il est difficile de faire moins sexy que Swell: charisme inexistant, voix monocorde, pas de mélodies faciles, humour à froid, grisaille omniprésente. Comment expliquer alors la fascination que provoque bon nombre de ces morceaux? Par la dynamique. Swell développe en effet une incroyable dynamique horizontale, donnant à sa musique une trajectoire rectiligne et butée provoquant d’importantes turbulences dans l’atmosphère qu’elle traverse. Autour d’imposantes constructions rythmiques exécutées par le batteur Sean Kirkpatrick, Swell enroule des litanies d’accords grattés sur une guitare acoustique, d’impressionnants éclairs électriques venant choquer l’auditeur de temps à autre. Le chant monocorde de David Freel, empli d’un mélange de mélancolie et de détachement, vient rajouter une nuance supplémentaire de gris à l’ensemble.
Dans ses meilleurs moments, Swell frappe par la puissance hypnotique de ses morceaux. Tout le début du disque se situe ainsi à des altitudes majestueuses. Du lancinant et fascinant Is that important? à la tranquillité inquiète de Song seven, de la moiteur fiévreuse de l’urgent Kinda stoned à la placidité noire de Don’t give, le groupe réussit un véritable sans-faute. Il injecte à l’auditeur des doses addictives de mélancolie troublée, dans un impressionnant décor de solitude urbaine. La seconde moitié du disque ne se maintient pas tout à fait à ces hauteurs, mais contient encore son lot de morceaux vénéneux (You’re so right ou Fine day coming) , avant de s’achever par une porte qui claque, se refermant au nez de l’auditeur avide de percer les mystères de cette musique brillante et ténébreuse à la fois.
Le groupe atteindra à mon sens son apogée avec le successeur de 41, le génial Too many days without thinking (1997) sur lequel je reviendrai certainement ici. A noter qu’après plusieurs années de silence, Swell a fait paraître un nouvel album cette année, South of the rain and snow.
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