Le côté obscur
Benjamin Biolay A l’origine (2005, Virgin)
Alors que le bonhomme vient de récolter un véritable plébiscite – critique et public, avec disque d’or à la clé – pour son dernier opus, La superbe, paru en fin d’année dernière, revenons ici cinq ans en arrière avec cet album qui pourrait bien, avec le recul, avoir marqué un tournant important dans le parcours du garçon. Déjà réputé pour ses talents d’arrangeur hors pair, Benjamin Biolay se révèle aux yeux du public par le rôle prépondérant qu’il prend dans le retour triomphal de Henri Salvador en 2000. Dans la foulée, il fait paraître Rose Kennedy en 2001, premier album solo brillant de pop classieuse. Après Négatif paru en 2003, Benjamin Biolay se met à occuper la une des gazettes davantage pour sa vie privée que pour ses compositions. En 2004, Biolay se risque à un projet en duo avec sa compagne d’alors, Chiara Mastroianni, sous le nom de Home, puis en 2005 paraît cet A l’origine.
Avec cet album, dépeint alors par son auteur comme son disque le plus personnel, Benjamin Biolay prend une autre envergure en s’aventurant du côté obscur. Malgré ses qualités indéniables, un disque comme Rose Kennedy apparaissait un peu trop bien peigné pour réellement nous décoiffer, ne montrant son souffle qu’à de trop rares moments. Sur cet album-ci, Biolay salope son élégance de jeune premier en la trempant dans le caniveau, exposant les cicatrices et les marques d’une vie amoureuse troublée. Pour ce faire, notre songwriter joue cette fois de tout l’éventail de ses influences, confrontant l’orchestre à des sons plus retors, puisés dans le rock indépendant américain comme dans les territoires défrichés par Radiohead. Boucles et guitares apparaissent ainsi comme des éléments centraux des morceaux, sans que Biolay ne renonce à son goût pour les arrangements de haute volée.
Le disque s’ouvre sur la majesté inquiète du morceau-titre A l’origine, qui déploie son univers tortueux six minutes durant, les programmations de Boombass se mêlant au souffre des instruments des élèves du Conservatoire National de Lyon pour accoucher d’un chef-d’œuvre de lyrisme moite. On retrouve cette ambition sur le formidable Tant le ciel était sombre placé en fin d’album. Malgré quelques faiblesses (le convenu Mon amour m’a baisé, l’excessivement mélodramatique L’histoire d’un garçon ou le poussif duo avec Françoise Hardy Adieu triste amour), le disque recèle quantité de moments forts: jeux de lumière crépusculaires à la Radiohead (Même si tu pars), tempête électrifiée ébouriffante (Ma chair est tendre), souffle glacé d’une fin d’amour amère (Dans mon dos). On citera également le frénétique Cours! ou la beauté fragile de Me voilà bien et on en oublie encore.
A l’origine marque à mon sens un tournant dans la carrière de Biolay, comme un premier pas vers la grâce amochée du sublime Trash yéyé de 2007. Je ne parlerai pas de La superbe pour ne pas encore l’avoir écouté, relevant juste que ce dernier opus semble enfin placer notre homme en pleine lumière, A l’origine et Trash yéyé s’étant révélés de retentissants échecs commerciaux. Tant mieux pour lui.
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[…] expliqué que Trash yéyé constituait à ses yeux le tome deux de son prédécesseur, cet A l’origine qui marquait déjà un virage important dans le parcours du bonhomme. S’il existe […]