Bonne nouvelle
Quand la Blogothèque annonça le retour de Peter Walsh aka The Apartments pour une série de trois concerts en France en ce mois de novembre, je restai incrédule un instant et l’affaire prit un tour quasi surréaliste quand j’appris qu’une de ces dates était prévue à Chinon, modeste sous-préfecture d’Indre-et-Loire, au cœur de la Touraine et surtout à trente kilomètres environ de chez moi. Je m’empressai donc fiévreux de réserver une place et trépignai depuis un mois à la perspective incroyable d’assister à un concert des Apartments, groupe australien superlatif dont je chérissais chaque album comme autant de perles noires d’une beauté sans égale semées entre 1985 et 1997.
Je savais Peter Walsh coutumier de ces disparitions et de ces absences qui marquaient l’ensemble de sa discographie, creusant un trou de sept ans entre un premier single et un premier album, puis laissant filer huit autres années entre le premier et le deuxième opus. Familier de la déveine et de la haine de soi, Walsh suivit une trajectoire discographique des plus erratiques, rappelant néanmoins à chaque album sa stature de songwriter majuscule. Douze ans après son dernier effort studio, je ne m’attendais cependant pas un instant à avoir la chance de le voir se produire sur scène. Le miracle eut lieu hier soir à Chinon, espace François Rabelais.
Après avoir entendu les trois lycéennes assises derrière moi (j’étais au premier rang) projeter d’aller lui faire signer un autographe sur leurs seins et disserter des mérites des piercings mammaires (« Quand t’as une belle forme de sein, ça gère trop! ») , je m’étonnai un instant et me demandai si vraiment ces jeunes filles connaissaient le maître Walsh, l’imaginant lui-même assez peu familier de ces clichés rock and roll. Leur départ prématuré en plein set de Walsh me démontra que ces amusantes perspectives devaient avoir été faites sous le coup de l’humour… Toujours est-il que la soirée débuta par la prestation, pas désagréable mais dispensable, de Joseph Léon, folkeux de chez nous qui me sembla quelque peu déstabilisé par le stress, une très bonne reprise de Sam Cooke sortant tout de même du lot. La suite se révéla d’un tout autre calibre avec la prestation remarquable de 49 Swimming Pools, tête d’affiche originelle qui accepta de céder la vedette au retour des Apartments. Pour cause, Emmanuel Tellier, au chant et au clavier, est le principal artisan du retour de Walsh sur nos terres. Ancien critique aux Inrockuptibles, qui, si je ne m’abuse, continue d’exercer aujourd’hui à Télérama, Tellier est un fan inconditionnel des clairs-obscurs bouleversants des Apartments et a réussi à convaincre Walsh de remonter sur scène. Qu’il en soit mille fois remercié (d’autant que ses chroniques et articles aux Inrocks firent beaucoup pour ma culture musicale…j’avais alors vingt ans). Toujours est-il que le concert de 49 Swimming Pools aurait suffi à faire de cette soirée une soirée réussie, la pop élégante et finement orchestrée du groupe nous emmenant vers de bien beaux vertiges, évoquant tour à tour des influences aussi respectables que les Nits, Sunhouse, Neil Young, les Beatles, Mercury Rev voire Elton John (seventies).
Après cet excellent set, ce fut enfin l’heure tant attendue. Walsh entra en scène, costard sombre, cravate rouge, lunettes noires, toujours élégant malgré les quelques années encaissées (et les drames vécus) accompagné du guitariste Eliot Fish à sa droite, les deux assis au centre de la scène. Les deux hommes garderont cette position toute la durée du concert, étant rejoints occasionnellement par un trompettiste et par le batteur des 49 Swimming Pools au clavier. La suite relève presque de l’indicible, Walsh livrant un panorama somptueux d’une discographie gigantesque, jouant des morceaux de chaque album dans des versions dépouillées, assez proches parfois de celles qu’on peut trouver sur l’éblouissant Fête foraine de 1996. La voix est restée la même, chant tripal vacillant mais debout contre les coups du sort, les démons qui vous rongent et les grosses déprimes. Walsh demeure cet homme habité d’une fièvre intense, entre colère et renoncement, et voir sa jambe tressauter aux inflexions de sa voix, le voir battre du pied avec une rage à peine contenue sur certains morceaux , constitue un spectacle bouleversant. Sa musique reste également d’une beauté sans âge et j’aborderai certainement un jour ici sa discographie, mais il est parfois difficile de parler de disques touchant aussi fort à l’os de nos âmes.
La suite continua dans le miraculeux. Un pot était organisé avec les artistes. Je remerciai aussi chaudement que me le permit ma timidité maladive Emmanuel Tellier qui alla quérir Peter Walsh de rencontrer ses fans. L’homme, plus petit qu’il ne paraissait sur scène, me serra la main, je bredouillai trois banalités dans un mauvais anglais et il signa pour les trois-quatre bienheureux des étoiles pleins les yeux la set-list du concert et nous salua avant de se retirer. Je rentrai chez moi, dans la nuit tourangelle, sans être bien certain de n’avoir pas rêvé. Walsh est de retour et c’est une bonne nouvelle, une vraiment bonne nouvelle.
A voir ci-dessous:
– la vidéo de « The goodbye song » des 49 Swimming Pools, extrait de leur album sorti tout récemment Triumphs and disasters, rewards and fairytales.
– le lien vers la page Myspace des Apartments et la preuve par l’image de mes dires
Chouette compte-rendu !
T’as bon gout ….mec