Voyage au bout de la nuit
Christophe Aimer ce que nous sommes (2008, AZ/universal)
Sept ans après l’immense Comm’ si la terre penchait, Christophe revenait l’an dernier démontrer qu’il était loin d’avoir perdu la main, continuant de graviter bien au-dessus de la mêlée.
Christophe croise dans des eaux que lui seul fréquente, nourrissant ses compositions de ses fétichismes (le blues, les claviers, le cinéma, son imaginaire de collectionneur) et de son noctambulisme. Travaillant dans son appartement équipé d’un studio, surplombant la ville et ses lumières de son antre dans lequel il malaxe les sons et les textures, Christophe livre un nouvel objet sonore non identifié, entre blues cosmique, electronica bleu nuit et lyrisme troublant. Metteur en scène de génie, Christophe agence ses morceaux comme un projectionniste impressionne la toile, soignant raccords et lumières, sans négliger le casting (on croisera ainsi pêle-mêle Debbie Doss – ex Buggles – , Isabelle Adjani, Sara Forestier, Florian Zeller, Eumir Deodato ou Carmine Appice).
Le disque s’ouvre par le féérique Wo wo wo wo sur lequel Isabelle Adjani vient poser sa voix de diva. Tout cela est charmant mais les choses sérieuses viennent après avec les sublimes Magda et Mal comme, diamants bruts scintillant dans un clair-obscur pictural. On touche encore d’autres sommets avec l’époustouflant It must be a sign. Une mélodie somptueuse au piano accompagne la voix âgée de la photographe Denise Colomb dans un extrait d’un film sur Antonin Artaud, puis le morceau décolle en sérénade andalouse d’une beauté sidérante. Christophe fait baisser l’intensité sans cesser d’être charmant avec l’épatant Tonight, tonight puis mine de rien, il hausse de nouveau le niveau avec le sidérant Panorama de Berlin, déambulation fantasmagorique dans un Berlin de nuit, allant (une fois encore) chercher des poux à Robert Wyatt en personne. Christophe rappelle ensuite son amitié avec Alan Vega sur un Stand 14 brut et stylé à la fois, puis met en musique une de ses interviews avec classe et humour (et on retiendra cet épatant “Je sais ce que je cherche, quand je trouve, je fais” ) . Après un petit relâchement, le temps d’un ou deux morceaux plus dispensables, le disque se clôt sur le lyrisme bouleversant de Parle lui de moi avant que Daniel Filippacchi mette un point final (long point final) sur un étonnant générique parlé.
Christophe confirme ici sa singularité, apparaissant, surtout depuis le décès de Bashung, comme le dernier géant de la chanson d’ici, seul Dominique A semblant pouvoir lui en contester le titre. A son rythme, hors du temps et toujours en quête de nouvelles sonorités, il construit une œuvre sans équivalent, brillante et lumineuse.
3 réponses
[…] Christophe Tonight tonight [2008, Aimer ce que nous sommes] […]
[…] ce disque totalement cinématographique qu’est ce génial Aimer ce que nous sommes, Panorama de Berlin constitue à coup sûr la scène la plus marquante. Fantastique déambulation […]
[…] d’un bois différent, astre vagabond errant dans une galaxie bien à lui. Son dernier opus, Aimer ce que nous sommes, paru l’an dernier, confirme selon moi son immense […]