Au cœur des ténèbres
Queens of the Stone Age Lullabies to paralyze (2005, Interscope)
Les quelques-uns qui me suivent se douteront probablement que le metal n’est pas franchement ma tasse de thé, n’est pas en tous cas un genre que je connais très bien et que j’ai l’habitude d’écouter. Les Queens of the Stone Age constituent une exception de taille. Leur metal hybride, mêlant au son tranchant des guitares en fusion des volutes de rock psychédélique et un sens mélodique imparable, a su en effet vaincre toutes mes préventions.
Déjà auteurs d’un excellent Songs for the deaf en 2002, le groupe réussit ici à hausser encore son niveau de plusieurs crans. Ce disque marque d’abord, dans l’histoire du groupe, la totale prise en mains de Josh Homme sur le combo. Ayant remercié fermement le bassiste foldingue Nick Valensi, pilier du groupe depuis ses débuts, Homme prend seul les commandes et démontre qu’il est bien un songwriter d’exception. En quatorze chansons et environ une heure, QOTSA signe un imposant chef-d’œuvre, à mon sens un des quatre ou cinq meilleurs disques de rock de ce siècle naissant.
Le disque débute pourtant à la cool, avec une petite ballade inquiète chantée par le comparse Mark Lanegan de sa voix éraillée. Et puis la machine démarre tambour battant avec deux titres joués à toute berzingue, dans la lignée abrasive de Songs for the deaf. L’album commence alors à s’élever de façon vertigineuse avec le génial Tangled up in plaid, coulée de lave brûlante au milieu d’un cabaret, collision dantesque entre les Doors et Nirvana. A partir de là, Homme et sa troupe nous emportent dans un fascinant maelström, malade et vénéneux, au sein duquel la figure granitique de Homme figure un repère inamovible. Sur In my head ou l’ébouriffant Little sister, les QOTSA démontrent leur sens de la mélodie pop, trempée cependant dans le bain bouillonnant de guitares en fusion. La tension habitant ce disque ne retombe jamais et culmine dans l’impensable triptyque I never came / Someone’s in the wolf / The blood is love, trois morceaux d’anthologie laissant l’auditeur pantelant. Homme relâche alors quelque peu la pression avec un Skin on skin vicelard (“I wanna lick you too much / I wanna lick you too much / I hear you comin’ ooh, ah, baby” ) . Le disque se conclut en apothéose avec deux morceaux de blues-rock de haute volée, le marécageux You’ve got a killer scene there man, tout en atmosphère moite et malaisante, puis avec l’extraordinaire Long slow goodbye, qui passe comme un train de nuit à travers les grands espaces américains. En guise de bonus track (selon les versions), le groupe offre en sus Like a drug, morceau de cactus et de sable qui rappelle le meilleur Calexico.
Avec ce disque, les Queens of the Stone Age signent donc une œuvre qui fera date, un monolithe noir trônant au mitan des années 2000 et charriant avec lui son mystère et sa force. Deux ans après, le groupe reviendra avec Era vulgaris que je ne connais pas, Josh Homme menant parallèlement d’autres projets comme Eagles of Death Metal.