Danse de combat
Gossip Music for men (2009, Sony)
Il aura fallu près de dix ans pour que ce groupe américain décroche la timbale avec cet excellent album paru l’an dernier. Originaire de l’Arkansas, le trio mené par l’explosive Beth Ditto et le guitariste Brace Paine, s’installe dans l’État de Washington (sur la côte Ouest des USA) pour se lancer dans la carrière. Un premier album, That’s not what I heard, est publié en 2000 sur un label indépendant. Le groupe se fait rapidement remarquer sur la scène underground, s’appuyant notamment sur le charisme indéniable de Beth Ditto, que ses prises de position en faveur des minorités et sa proclamation de sa “fierté lesbienne” dotent d’une réelle aura au sein des communautés gay et lesbiennes. En 2002 et 2003, Gossip fait paraître les albums Arkansas heat et Movement, et gagne peu à peu en notoriété en assurant notamment la première partie de groupes comme les White Stripes. C’est avec l’album Standing in the way of control (2006) que le trio commence à élargir fortement son audience, fidélisant son public grâce à ses concerts furieux. Music for men sera donc le disque de la confirmation.
Gossip délivre une musique à la fois nerveuse et dansante, mêlant la rage froide du post-punk à des rythmiques disco, le tout relevé par la voix emplie de furia soul de Beth Ditto. Entre jets de guitares acides et mélodies synthétiques, le trio s’adresse d’abord aux jambes de ses auditeurs, et brandit ses chansons comme autant de manifestes pour l’affirmation de soi. Gossip ne masque pas pour autant ses influences, plaçant habilement ici ou là clins d’œil et citations à Marvin Gaye, Aretha Franklin ou à The Cure (la ligne de basse ouvrant Love and let love évoquant furieusement celle de Other voices).
Parmi les hauts faits de ce Music for men, se détache d’abord l’imparable Heavy cross, qui semble organiser l’improbable rencontre de Chic et du MC5. L’époustouflant 8th wonder évoque lui la collision des Bellrays et de Bloc Party tandis que le groupe affiche sur plusieurs morceaux son goût pour l’électro-pop des années 1980, de Pop goes the world à l’émouvant Four letter word. La fibre pop de Gossip se retrouve également sur l’excellent For keeps. Même si l’ensemble sonne parfois un brin trop raide, un brin trop mécanique, la force de Beth Ditto, fière combattante, permet d’emporter la mise la plupart du temps et les guitares de Brace Paine fournissent à la chanteuse un écrin de choix.
Reste à savoir maintenant si le groupe saura conserver sa solidarité, sa compacité maintenant que le succès l’a rattrapé. On compte sur la forte tête de Ditto pour donner une suite d’intérêt à cette histoire.