Les charmes de la Côte
Best Coast The only place (2012, Mexican Summer)
Il est des groupes dont on ignore pourquoi ils nous touchent autant malgré leurs évidentes limites, outsiders qu’on pourrait rejeter dans l’ombre des génies authentiques mais dont la lumière brille pour nous d’un éclat singulier. On pourrait ainsi reprocher bien des choses à Best Coast, et certains ne s’en sont d’ailleurs pas privés, stigmatisant pèle-mêle des textes à la limite de la niaiserie ou des mélodies rebattues. Et pourtant, je ne cesse d’être ému et charmé par les airs faussement anodins du duo californien. Et même si ce deuxième album apparaît moins jouissif que son prédécesseur, le formidable Crazy for you (2010), on sait qu’on suivra encore longtemps les mélopées de miss Cosentino.
We’ve got the ocean / Got the babes / Got the sun / We’ve got the waves / This is the only place for me (The only place)
S’il se situe dans la continuité de Crazy for you et des premiers singles du groupe, The only place contient en lui suffisamment d’évolutions pour le rendre intéressant autant qu’il est touchant. Best Coast continue à faire montre d’un sens diabolique de la mélodie accrocheuse, naviguant entre surf-music, pop sixties et punk radieux. Et Bethanie Cosentino demeure accrochée à ses marottes, comme autant d’inusables sources d’inspiration : la Californie et sa vie de jeune femme, ses doutes, ses amours et tutti quanti. Mais, en confiant la production de ses morceaux au fort recommandable Jon Brion (Rufus Wainwright, Fiona Apple…), Best Coast délaisse les tendances noisy à la Jesus & Mary Chain qui faisaient pourtant une partie de son sel pour faire entrer davantage d’espace dans ses chansons. Le groupe s’oriente également à plusieurs reprises vers une country-rock baignée de soleil (levant, couchant, pesant ou riant) plutôt réussie. Cosentino se révèle une interprète brillante, sachant serrer nos petits cœurs fragiles sans jamais verser dans un quelconque pathos, avec ce côté enfantin qui pour nous fait toute la différence. Car c’est bien ce qui me touche à ce point dans les meilleurs morceaux du groupe, cette sensation de voir une jeune fille devenir une jeune femme avec toutes les angoisses et les attentes que cela peut procurer.
What a year this day has been / What a day this year has been / Please don’t get me wrong / I just don’t know where my mind has gone (Last year)
On sera cependant totalement honnête en avouant que la première partie du disque est assez largement supérieure à la seconde. L’album s’ouvre avec The only place le morceau, un hymne à la Californie qui vaut toutes les actions de promotion de l’office du tourisme angeleno, avec ses guitares à la Byrds (ou à la R.E.M.) qui dévalent comme une nuée de skateurs sur les boardwalks de L.A. Why I cry semble à première écoute comme un décalque du morceau introductif mais la tonalité se fait plus amère, et les arpèges sucrées masquent un goût d’amertume. Last year est un drôle de morceau country-rock qui évoque à nos oreilles le souvenir des oubliées Geraldine Fibbers, la furie en moins mais l’élégance garce en plus. La grande affaire du disque demeure néanmoins cet épatant tiercé de ballades saisissantes : No one like you – quelque chose comme du Tarnation sans la puissance dramatique – , l’atmosphérique How they want me to be constellé d’étoiles filantes et le formidable Up all night terminal avec sa basse à la Ronettes et ses roulements de castagnettes. Rien que pour cette demie-douzaine de morceaux impeccables, on pardonnera à Best Coast les plus faibles Dreaming my life away ou Do you love me like you used to.
I’m always running down the street / I don’t remember what it means to be me / I left all of that shit behind / But still I seem to lose my mind (Do you love me like you used to)
Avec The only place, Best Coast relève plutôt joliment le défi toujours casse-gueule du deuxième album, et même si on aurait tendance à penser que le groupe n’ira peut-être pas beaucoup plus loin, on sera redevable à Cosentino et son acolyte Bobb Bruno d’avoir offert un lot conséquent de chansons capables de nous faire osciller entre joie éclatante et larmes discrètes…
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[…] le premier album du groupe, Crazy for you, paru deux ans plus tôt mais c’est bien sur ce The only place que se trouvent deux ou trois bonbons au poivre qui m’amèneraient presque la larme à […]