Hot d’or
Sébastien Tellier Sexuality (2008, Record Makers)
On avait laissé Sébastien Tellier en dandy mélancolique, s’abandonnant au piano dans un décor de bois et de cristal, le temps d’un Sessions magnifique de beauté nue. On retrouve ici notre homme dans un tout autre paysage: vautré dans un transat au bord de la piscine d’un hôtel pour touristes, érection apparente sous le peignoir et promenant sur la bordée de nymphettes s’égaillant autour du grand bassin des yeux concupiscents. Après l’élégance feutrée de Sessions, Tellier se rêve ici étalon en costard blanc, habillant ses morceaux de synthétiseurs vintage pour célébrer l’improbable (?) rencontre de Michel Houellebecq et de Jean-Michel Jarre, le tout sous le haut patronage d’une moitié de Daft Punk à la production.
Pour avoir apprécié la pop baroque et classieuse de ses précédents opus, ce passage à une électro-pop kitsch en génuflexion devant les années 80 pouvait dérouter. Tellier se perd d’ailleurs à plusieurs reprises dans des morceaux poussifs, à la chair molle et blanchâtre sous les néons glauques d’une discothèque de province. On oubliera ainsi très vite les pénibles Sexual sportswear, Elle ou Fingers of steel pour mieux reconnaître les vraies réussites d’un album qui n’en manque pas.
C’est déjà le génial Roche, morceau d’ouverture naviguant entre érotisme moite de série B et profondeur de champ, entre premier et second degré, avec son irrésistible refrain prononcé dans un murmure lascif: “Je sens la chaleur de l’été/ C’est hot / C’est hot” . Au fil de cet album concept célébrant les plaisirs du sexe, on retiendra le languide The look, allant chasser sur les terres en apesanteur du meilleur Air ou le sympathique Divine, hommage en forme de clin d’oeil au génie des Beach Boys. On s’encanaillera aussi avec plaisir sur Pomme ou Manty, les feulements orgasmiques d’Amandine de la Richardière, la compagne de Tellier, rajoutant une touche de rose au kitsch de l’ensemble. Mais au-delà de ces morceaux agréables, nos oreilles se fixeront sur le dernier titre de l’album, cet immense L’amour et la violence : Tellier tombe ici les masques et zèbre de rouge sang les teintes roses pastels qui coloraient jusqu’à lors son disque, terminant son disque sur une note crépusculaire, comme une débandade brutale après la montée de sève.
Avec ce disque et sa prestation à l’Eurovision, Sébastien Tellier a déboulé en force dans le paysage médiatique. On espère juste que le bonhomme saura sortir de cette imagerie kitsch qu’il a choisi d’endosser avec ce disque et on fera confiance à sa faculté jusque là intacte de se retrouver là où on ne l’attend pas.
2 réponses
[…] j’en étais resté avant de recroiser la route du barbu pour cette Aventura brésilienne à Sexuality, ce drôle de concept-album lubrique et sympathique. J’ai donc observé de loin le délire […]
[…] de la révélation aux yeux du grand public, Sexuality prend un malin plaisir à ne pas choisir tout du long entre le sublime et le vulgaire. En bon […]