Les caprices de Marianne
Marianne Faithfull Kissin’ time (2002, Virgin)
Marianne Faithfull fait partie de ces gens qui nous donnent envie de vieillir comme eux. Avec un parcours long comme le bras, riche en expériences fortes et en tragédies, Miss Faithfull n’a eu de cesse de se réinventer et de conserver l’esprit vif et la curiosité intacte, les yeux et les oreilles grands ouverts sur les beautés du monde. Égérie des Stones dans les années 1960, junkie décavée dans les années 1970, la dame revint en force en 1979 avec le brillant Broken english, portée par le succès mondial de The ballad of Lucy Jordan. Depuis, entre cinéma, théâtre et chanson, Marianne Faithfull continue de suivre la voix de ses caprices, de ses désirs. Au début des années 2000, c’est une quinquagénaire fringante qu’on retrouvait sur ce très bon album, marraine délurée d’un aréopage impeccable de jeunes songwriters tout dévoués à sa cause: Beck, Jarvis Cocker, Damon Albarn ou Billy Corgan, excusez du peu!
Malgré cette hétérogénéité de signatures, Marianne Faithfull parvient à donner à ce disque une réelle unité de ton, grâce notamment à une écriture et une interprétation impeccables. Au final, sans prétendre au rang de chef-d’œuvre, cet album constitue une vraie réussite. Miss Faithfull adopte une coloration résolument pop, mais sait s’adapter aux évolutions contemporaines du genre, comme sur le remarquable Kissin’ time que lui trousse Damon Albarn. Beck lui offre un lit de rythmiques salaces pour poser les paroles torrides de Sex with strangers et en retour, Madame Faithfull livre une somptueuse reprise du Nobody’s fault du génial blondinet. Ce sont cependant deux morceaux plus classiques qui à mon sens sont les plus réussis, les deux sous la houlette de Billy Corgan (dont je ne suis pas particulièrement fan d’ailleurs…). D’abord, le superbe I’m on fire nous confirme que dame Faithfull vibre encore de toutes ses fibres sous le feu du désir, chantant d’une voix tremblée une belle déclaration de vie sur un lit mouvant de synthétiseurs et de chœurs angéliques. Ensuite, en fin d’album, Marianne Faithfull s’empare du génial Something good, émouvante chanson de flirt adolescent qui acquiert une nouvelle dimension dans la bouche de Faithfull, les yeux pétillants d’innocence et d’amour. On retiendra aussi le bel hommage rendu à Nico (Song for Nico) avec l’aide de Dave Stewart, Nico qui, a contrario de Faithfull, n’a pas pu réchapper de ses démons.
Au final, Marianne Faithfull livre donc un disque touchant, jouissant visiblement des nombreuses collaborations qu’elle a sollicité. Sur ce même modèle, elle sortira en 2004 un autre bel album, toujours digne, Before the poison, s’entourant cette fois de Nick Cave et PJ Harvey et prenant de ce fait d’autres tonalités. On a depuis surtout vu la dame au cinéma (Marie Antoinette ou Irina Palm) et les personnes intéressées pourront la voir cet été sur les planches pour des lectures de textes de Shakespeare.
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[…] ou au cinéma. Elle livre régulièrement des disques souvent fort recommandables, tels par exemple Kissin’ time dont j’ai parlé dans les tout débuts de ce blog ou le très bon Before the […]