Haute distinction
Eric Matthews The lateness of the hour (1997, Sub Pop)
J’évoquais ici-même il y a peu ces disques qu’on redécouvre après un long oubli, qui resurgissent et sonnent à vos oreilles comme jamais avant. Après celui de Midlake, en voici donc un autre. Après une formation classique de haut niveau (le bonhomme maîtrise parfaitement trompette et piano entre autres), Eric Matthews décide de mettre ses talents au service de la pop, en tant que fervent admirateur des grands maîtres de la pop orchestrée, de Burt Bacharach aux Zombies en passant par les Beach Boys. En 1993, il fricote avec Lou Barlow et Bob Fay de Sebadoh avec lesquels il fonde l’éphémère groupe Belt Buckle qui parvient à sortir un 4-titres. Surtout, c’est à cette période qu’il rencontre le leader australien du groupe The Moles, un dénommé Richard Davies. Les deux hommes s’entendent et fondent le duo Cardinal qui publie en 1995 un remarquable disque de pop orchestrée et baroque. Les tensions entre ces deux égos conduisent toutefois rapidement à la scission du tandem et Eric Matthews publie dans la foulée un premier disque solo admirable, It’s heavy in here, puis enchaîne en 1997 avec ce magnifique The lateness of the hour.
Moins tourmenté que son acolyte Richard Davies, Eric Matthews n’en cultive pas moins comme lui une haute idée de la pop, revendiquant une grande maîtrise instrumentale, le goût des arrangements audacieux et des mélodies chiadées. Avec élégance et distinction, et avec l’assistance du génial mais méconnu Jason Falkner, Eric Matthews aligne une rafale de chansons de haute tenue, aux arrangements aériens et aux mélodies impeccables. L’ensemble du disque se joue comme entre chien et loup, entre or et bleu nuit, et ces morceaux somptueux viennent chercher des noises à Colin Blunstone ou The Left Banke. Le seul bémol serait sans doute à rechercher du côté du chant du bonhomme, cette drôle de voix chuchotée pouvant parfois lasser. En outre, l’élégance un peu guindée de certains titres les corsète un peu trop à mon goût. Mais, sur une grande partie de l’album, Eric Matthews arrive à s’élever à de vertigineuses hauteurs.
Ainsi, l’extraordinaire My morning parade est une des rares chansons pop que je connaisse à évoquer le bonheur amoureux sans la moindre niaiserie, portée par les guitares parfaites de Jason Falkner et les trompettes somptueuses de Matthews, rappelant avec bonheur les chefs-d’œuvre de Dionne Warwick. L’ébouriffant To clear the air doit autant à la musique de chambre qu’à la pop et le crépusculaire Becomes dark blue se clôt sur un final impérial de saxophone, dont les notes ourlées de bleu viennent se draper dans un lit de cordes moelleuses. Matthews parvient aussi à tremper ses morceaux dans un bain irradiant de guitares sans perdre de sa distinction, comme sur The pleasant kind ou Everything so real. On accordera aussi une mention au génial No gnashing teeth, qui vient clore le disque avec des réminiscences beatlesiennes marquées (cf. Penny lane).
Curieusement, après ce disque, Eric Matthews cessera pendant quasiment dix ans de sortir des disques sous son nom, se contentant d’apparaître comme musicien de session sur les disques des autres, des Dandy Warhols à Tahiti 80. Il a refait surface en 2005 avec Six kinds of passion looking for an exit et semble avoir repris le cours de sa discographie depuis, deux autres disques étant sortis depuis, dont un en ce début d’année intitulé The imagination stage, mais je n’en ai écouté aucun.
5 réponses
[…] Le groupe séparé, Davies se lie alors avec un autre compositeur de talent, le remarquable Eric Matthews, pour fonder le duo Cardinal. Sous ce nom, les deux compères publient un album éponyme majestueux […]
[…] dès 1995 le génial It’s heavy in here puis deux ans plus tard le non moins magnifique The lateness of the hour. Après une longue période de silence discographique, le bonhomme a publié trois autres albums […]
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