Le funambule
Richard Davies There’s never been a crowd like this (1996, Flydaddy)
Richard Davies décrocherait à mon sens sans problème sa place dans la confrérie des songwriters maudits, génies méconnus ou injustement oubliés alors que leurs œuvres mériteraient d’être connues bien davantage. Préparant une note pour ce blog sur les éphémères (et marquants) Cardinal, je me replonge en ce moment dans les deux albums de Davies que je connais et j’ai eu envie de lui offrir de nouveau la une, même si j’en avais déjà parlé il y a maintenant près de 3 ans.
Auteur-compositeur australien, Richard Davies se fait d’abord (un peu) connaître à la tête de The Moles, faisant paraître deux albums entre 1991 et 1994, Untune the sky et Instinct. Le groupe séparé, Davies se lie alors avec un autre compositeur de talent, le remarquable Eric Matthews, pour fonder le duo Cardinal. Sous ce nom, les deux compères publient un album éponyme majestueux en 1995, disque inclassable de pop baroque richement orchestrée (violon, trompette, clavecin…) qui revendique la filiation de The Left Banke ou des Zombies. Le disque est remarqué par une partie de la critique et aujourd’hui encore, il est régulièrement cité parmi les trésors cachés de cette période. Mais, tiraillé entre deux egos incompatibles, Cardinal se consume en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et chacun de ses membres entame alors une carrière solo, chacune marquée de formidables coups d’éclat malgré un succès public à peu près nul.
Ce premier album solo de Richard Davies confirme que l’on a affaire à un songwriter de première catégorie. Plus bilieux et tourmenté que son acolyte Eric Matthews, Richard Davies s’apparente à une véritable tête brûlée en quête de la mélodie parfaite, funambule prenant des risques insensés, se ramassant quelquefois mais parvenant le plus clair du temps à réaliser d’improbables figures haut au-dessus de la mêlée, proche du soleil au point de s’y brûler. Malgré une orchestration assez minimale (guitare, basse, batterie, piano, parfois quelques guipures de cordes ou le souffle d’une trompette), Richard Davies bâtit à mains nues des cathédrales pop richement enluminées, habillant ses failles intimes d’atours fantasques et régulièrement magnifiques.
Davies excelle dans l’art de la mélodie ascensionnelle, traçant des lignes brisées pour amener l’auditeur à des hauteurs mirifiques, là où l’air est plus pur et chargé d’oxygène. Jamais où on l’attendrait, Richard Davies multiplie les contre-pieds brillants, déroutant à loisir par un pont inattendu ou un accord imprévisible. Derrière ces clairières printanières, ces soleils matinaux, Davies laisse en outre poindre une tension permanente, ses chansons évoquant alors, à l’instar de celles des Pale Fountains, autres perdants magnifiques, quelque chose comme la verdeur de la jeunesse, une sève fougueuse et amère à la fois, la brûlure et la joie des jours qui passent. De cette petite demie-heure de musique, on retiendra avant tout l’immense Sign up maybe for being, qui, à partir de quelques accords grattés à la guitare sèche, s’enrichit peu à peu pour devenir proprement éblouissant. “Do you see the color of my dreams?” chante notre homme pour ouvrir ce morceau inépuisable, et j’imagine alors un prodigieux arc-en-ciel, l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de contempler. On mentionnera également le merveilleux Chips Rafferty ou l’audacieux Showtime final, avec ce solo de trompette terminal venant se greffer miraculeusement à la suite d’une somptueuse ballade pour piano et voix. Sur Jubilee, Davies habille Neil Young de frusques médiévales tandis que sur l’inaugural Transcontinental, il se fait presque espiègle, ouvrant de lumineuses trouées avec une simple guitare acoustique.
Richard Davies publiera un deuxième opus remarquable en 1998, Telegraph dont je reparlerai ici. En 2000, il sortira un troisième album Barbarians que je ne connais pas. J’ignore aujourd’hui ce qu’il est devenu, j’ignore même s’il fait encore de la musique mais je n’ai pas trouvé de traces d’autres éléments discographiques depuis 2000. C’est un peu triste.
5 réponses
[…] stage) mais je n’en connais aucun. Davies décrocha lui aussi quelques étoiles avec There’s never been a crowd like this (1996) puis Telegraph (1998). Il n’a donné aucune nouvelle depuis Barbarians paru en 2000. […]
[…] ans après son éblouissant There’s never been a crowd like this de 1996, Richard Davies poursuivait avec ce Telegraph sa quête de la chanson pop parfaite entamée […]
[…] ans après son éblouissant There’s never been a crowd like this de 1996, Richard Davies poursuivait avec ce Telegraph sa quête de la chanson pop parfaite entamée […]
[…] stage) mais je n’en connais aucun. Davies décrocha lui aussi quelques étoiles avec There’s never been a crowd like this (1996) puis Telegraph (1998). Il n’a donné aucune nouvelle depuis Barbarians paru en 2000. […]
[…] prétendants comme le 60 watt silver lining de Mark Eitzel, les formidables premiers albums de Richard Davies et Jeremy Enigk ou le glaçant The doctor came at dawn de Smog. Le Walking wounded […]