Les enfants du rock
The White Stripes White blood cells (2001, Sympathy for the Records)
Ma relation avec les White Stripes n’a rien d’un long fleuve tranquille. Si j’ai souvent éprouvé vis-à-vis de leur musique un profond respect et une sincère admiration, j’avais parfois aussi l’impression de rester quelque peu sur le seuil de leur univers, comme si, malgré une exigence lo-fi impossible à démentir, le groupe m’apparaissait parfois un peu trop se regarder jouer. L’intelligence évidente de Jack White et sa haute culture musicale semblait paradoxalement nuire à l’impact de l’ensemble, venant me toucher sans jamais vraiment m’emporter. Après m’être sérieusement replongé dans le dossier et m’être récemment infusé à hautes doses leurs quatre derniers opus, j’apprécie mieux aujourd’hui les qualités des White Stripes et ne peux que reconnaitre à quel point ils sont un des groupes majeurs de notre époque.
White blood cells est le troisième effort discographique du groupe et semble constituer l’étape supplémentaire d’une montée en puissance implacable que viendra couronner le formidable et dévastateur Elephant, porté par l’hymne Seven nation army. A l’écoute de ce disque, on a pourtant du mal à comprendre pourquoi les White Stripes n’ont pas décroché la timbale dès cette année 2001, tant cet album regorge de tubes potentiels. Jack White fait preuve ici d’une habileté confondante à manier les styles dont il s’inspire, du blues primal au hard-rock, créant un pont inattendu entre les années 1930 et les années 1970. Le groupe parvient à fondre une pelletée d’influences en un alliage unique, ne ressemblant qu’à lui-même tout en se faisant l’héritier de nombreux pans de l’histoire du rock.
L’album démarre avec Dead leaves and the dirty ground, qui, comme beaucoup de morceaux ultérieurs du groupe, démontre la fascination exercée par Led Zeppelin sur Jack White. Hotel Yorba figure un épatant morceau de country and western, portée par les petits coups saccadés de Meg White sur sa batterie, en évidente héritière de Moe Tucker du Velvet Underground. Je ne listerai pas ici toutes les pépites mélodiques dénichées par le groupe sur ce disque, juste les plus remarquables comme cet époustouflant Fell in love with a girl qui détruit tout sur son passage en moins de deux minutes ou le très tendre We’re going to be friends sur lequel Jack White démontre qu’il est un excellent chanteur et me remémore certains morceaux naïfs de Daniel Johnston. Le groupe devient encore plus passionnant quand il montre les dents comme sur le furieux et menaçant The union forever, morceau incroyable sectionné en son milieu par un interlude country-folk sidérant ou sur l’impérial Offend in every way et son riff imparable. J’émettrai juste un petit bémol quant aux derniers morceaux du disque, dont l’intérêt me semble moindre.
On sait ce qu’il adviendra des White Stripes avec leur album suivant, le multiplatiné Elephant de 2003. Le groupe est alors devenu immense commercialement parlant mais réussira un formidable coup de maître avec Get behind me Satan (2005), qui au fur et à mesure des écoutes, m’apparaît comme leur disque le plus audacieux. Le dernier en date Icky thump, me semble un tantinet en dessous mais à des hauteurs somme toute respectables. On y reviendra ici dès que possible.
A voir ci-dessous le clip remarquable réalisé par Michel Gondry pour l’exceptionnel Fell in love with a girl.