Les optimistes

The Frank and Walters Trains, boats and planes (1992, Setanta)

Avouons-le d’emblée, il ne sera pas question ce soir d’un de mes disques de chevet. Si les Irlandais de Frank and Walters ont su s’attirer, notamment grâce à ce premier LP, les faveurs énamourées des amateurs de pop sensible, ce Trains, boats and planes demeure à mes yeux un disque plutôt mineur, même si loin d’être dénué de qualités. Toujours est-il que ces dernières semaines, en revenant sur les disques sortis en 1992 pour un billet à venir, ses mélodies limpides et son optimisme roboratif ont apporté un contrepoint bienvenu à la glaciale grisaille qui a figé une bonne partie des jours derniers. Il ne faut jamais négliger les vertus des disques mineurs.

So hold on and you’ll know / That someday you will find someone / Just remember that you will find love / So please don’t give up on trying

John and Sue

Le groupe se forme tout près de Cork, en Irlande, autour des frères Paul et Niall Linehan et se fait rapidement repérer par le label Setanta, qui héberge alors les plus beaux fleurons de la scène locale, de Divine Comedy aux Catchers. Deux premiers EP, simplement intitulés EP1 et EP2 font grimper les attentes autour du combo, attentes que viendra combler la parution de ce Trains, boats and planes en 1992. Mélodies au cordeau, guitares carillonnantes, refrains entraînants, enthousiasme palpable : le groupe aligne suffisamment d’atouts pour rassembler les suffrages des amateurs d’indie-rock à guitares. De ce côté de la Manche, il reçoit ainsi les faveurs critiques des Inrockuptibles ou de Bernard Lenoir, tandis qu’en Angleterre, le groupe grimpe haut dans les hit-parades.

This is a club of just wannabe rogues / With anoraks, cords, and their inspector brogues / And Timmy gets up at the dawn every morning / Packs his lunchbox and camera / While he is still yawning, and / He’s off to fullfill his / Lifes great facination / He’s off to trainspot / At the great railway station

Trainspotters

On ne saurait nier que les Frank and Walters affichent un capital sympathie indéniable. Modestes et plein d’entrain, les Irlandais jouent une musique à leur image, une pop qui chérit les mélodies accrocheuses et les refrains entêtants, et dont les chansons célèbrent sans une once de cynisme l’amitié, l’amour ou la persévérance. Quand, sur le final de John and Sue, Paul Linehan entonne comme une antienne « There’ll be somebody there for you », on pressent qu’il en est réellement persuadé. Cette ferveur enjouée et cette croyance inconditionnelle en la force de la musique et en ce qu’elle peut exprimer de meilleur sont des atouts de premier ordre, qui élèvent ainsi au rang d’hymne l’impeccable This is not a song introductif, humble manifeste à reprendre en chœur à pleine voix. Au fil du disque, le groupe dégaine quelques morceaux de bravoure, où les guitares pétulantes et affûtées dessinent des mélodies imparables. On cèdera ainsi sans retenue au charme loufoque de Walter’s trip, de l’épatant Trainspotters sur lequel on croirait entendre jouer Johnny Marr ou du carillonnant After all. On n’oubliera pas non plus le gentiment moqueur Fashion crisis hits New York, plein de douce ironie qui éclate en gerbes électriques. Le charme n’agit malheureusement pas – pas sur moi en tout cas – sur la longueur de l’album, qui pâtit de trop de moments faibles ou simplement moyens pour véritablement prétendre à se mesurer aux plus fines plumes de la pop britannique.

They say necklines to the waist / You change your body to keep up with the pace / The rich buy dearest ’cause want to be sure / The poor can’t afford to be that insecure / What a hippy diddly crazy world

Fashion crisis hits New York

Avec d’autres groupes à guitares apparus à l’époque, comme les Lightning Seeds ou les Inspiral Carpets, les Frank and Walters annonçaient, avec leurs mélodies ciselées et leur amour de la pop, la vague brit-pop à venir, mais à côté de laquelle le groupe – trop modeste sans doute – passera complètement. Il faudra en effet près de quatre ans aux Irlandais pour donner une suite à ce Trains, boats and planes avec leur Grand parade paru en 1996, dont l’humilité discrète n’était guère assortie aux éructations bruyantes accompagnant la guéguerre Blur-Oasis. Le groupe poursuit sa carrière depuis, suivi par une petite cohorte de fans fidèles. Un dernier album est ainsi paru en 2016 mais j’avoue être passé complètement à côté.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *