La valeur n’attend pas le nombre des années
Ben Lee Grandpaw would (1995, Grand Royal)
L’expression « petit prodige » accolée à un enfant ou un adolescent musicien aurait tendance à me faire dégainer la masse d’armes, tant elle peut m’évoquer diverses horreurs, de Justin Bieber à Hanson. Mais toute règle souffre ses exceptions et dans la famille des petits génies tuant de précocité, l’Australien Ben Lee se pose là. Il affiche à peine quatorze ans quand son groupe Noise Addict est repéré par Thurston Moore de Sonic Youth et par les Beastie Boys qui les signent illico sur leur label Grand Royal. Les tournées étant rendues difficiles du fait des obligations scolaires du combo, Ben Lee tue le temps en enregistrant quelques chansons de sa composition et donne naissance à ce Grandpaw would, sous le haut patronage de Mike Diamond des Beastie Boys, et avec la collaboration de quelques invités de marque comme Liz Phair.
Pour quelqu’un de quinze-seize ans à l’époque, le résultat est proprement sidérant. Ben Lee aligne des perles pop de haute volée, capable de chercher des noises à bien plus vieux que lui. Quelque part entre les Pixies (qu’il adule), Yo La Tengo, Jonathan Richman et Daniel Johnston (en plus sain d’esprit), Ben Lee alterne fulgurances électriques et décélérations acoustiques, le tout avec une maîtrise et une maturité confondantes. Grandpaw would saisit ainsi par sa fraîcheur de ton (sa verdeur même – comme on dirait d’un fruit encore vert) et son innocence futée. L’essentiel des chansons traitent avec le plus grand sérieux de thèmes aussi fondamentaux que les filles et la musique, nous confirmant encore une fois que tout part de là et y revient. Et derrière cela, comme l’écrivait Mischka Assayas dans son fameux Dictionnaire du rock, quelque chose comme la captation en direct du passage vers l’âge adulte, un au revoir à l’enfance.
On peinera à trouver des moments faibles parmi les dix-huit titres de cet album. L’introductif Pop Queen avec sa guitare électrique traînante et ses chœurs sixties évoque sans problème le meilleur Yo La Tengo. Ben Lee dégaine une pleine cartouchière de bombes power-pop expédiées en moins de trois minutes chacune, telles les formidables Frigid ou Bolt. Le bougre excelle également dans les ballades acoustiques comme les très beaux I’m with the star (et ses teintes country) ou The loft. A l’écoute de Don’t leave, on croirait entendre Jonathan Richman adolescent et Ben Lee s’offre même quelque chose comme un classique avec le génial Away with the Pixies, illuminé par les choeurs de Liz Phair. L’album se termine par My guitar, hommage amusé de l’auteur à son instrument fétiche, désarmant de candeur et d’intelligence.
En 1997, Ben Lee quittera ses habits d’enfant prodige avec son deuxième album Something to remember by mais peinera à retrouver le charme de ses débuts. J’avoue avoir depuis perdu le fil de la carrière de l’Australien. Il décrochera avec Breathing tornadoes (1999) – que je ne connais pas – un hit dans son pays natal avec le morceau « Cigarettes will kill you » et gagnera davantage d’exposition médiatique de par sa relation avec l’actrice Clare Danes. Quatre albums ont suivi depuis mais sont sortis par ici dans un anonymat complet et je ne saurai vous en dire plus.
Bonjour,
Je découvre ton blog grâce à la mention de Jonathan Richman dans le texte et je constate que avons énormément de goûts en commun (Exemple). Et surtout, je me dis que, si je n’avais pas opté pour Blogonzeureux!, « La discothèque de l’amateur » aurait parfaitement convenu comme titre pour mon propre blog !
Bonjour
merci pour ce commentaire très sympa. Il semble en effet que nous ayons pas mal de goûts en commun et je suis ravi de découvrir un nouveau blog sur cette musique que j’aime tant. J’ai quand même l’impression que ta culture en la matière dépasse assez largement la mienne, mais comme ça, ça me permettra de découvrir encore plein de choses. Bien à toi!
PS : j’ai déjà découvert « Chauny ô que tu es jolie » que je vais m’empresser d’envoyer à un ami natif de cette riante contrée…