Un’ ombre
Timber Timbre Timber Timbre (2009, Full Time Hobby)
Avertissement liminaire : voici un disque qui peut provoquer d’étranges apparitions et faire surgir autour de vous spectres, chimères et autres revenants. Car ce trio canadien emmené par Taylor Kirk et officiant sous ce drôle de pseudonyme s’y entend comme peu pour délivrer une musique véritablement hantée, parcourue d’autant de frissons qu’elle vous en donnera.
And I know there’s no such things as ghosts / But I have seen the demon host
Demon host
Après deux albums autoproduits sortis en catimini entre 2006 et 2007, Timber Timbre fait paraître ce disque éponyme sur un label indépendant et va – à juste titre – commencer d’attirer l’attention sur sa musique. Il serait tentant de rattacher Timber Timbre à une « famille » blues-folk alliant grandeur et nudité et qui aurait emboîté le pas aux très recommandables Bon Iver ou Alela Diane. Ce serait tentant et justifié, mais seulement en partie. Car si Timber Timbre navigue dans les eaux inépuisables de l’americana, le groupe serait plutôt du genre à frayer dans les marais que dans l’eau pure. Chacun de ces huit morceaux semble ainsi charrier derrière chaque note son lot de mystères, et les arrangements discrets qui les habillent reflètent parfaitement cette impression (là quelques gouttes de piano, ici un trait de violon).
One of us is not normal / And it might not be you
No bold villain
Timber Timbre s’ouvre par l’hypnotique Demon host, sorte de gospel empli de silences et de fantômes qu’on dirait droit tombé des poches de la formidable Alela Diane. Et dès les premières notes, la voix si particulière de Taylor Kirk nous agrippe avec son grain profond et d’une beauté peu banale. Timber Timbre sort ensuite le long du disque les multiples cordes à son arc, parant ses chansons de toutes les nuances de gris. Lay down in the tall grass embarque ses inflexions soul dans un drôle de bastringue digne de Tom Waits tandis que l’épatant Until the night is over se couvre de teintes orientales fascinantes. Magic arrow égare le minimalisme des Young Marble Giants dans le désert américain par une nuit d’hiver puis, sur Trouble comes knocking, le groupe s’offre un final tout en cordes et en orgue rappelant l’intouchable Jism des Tindersticks. Au final, c’est bien ce mélange de diversité et de cohérence qui séduit chez le groupe de Taylor Kirk, cette façon d’être unique et multiple à la fois, comme un Lambchop perdu dans la forêt.
I dreamt you found me out in a field / You tripped over my site / And you dug me out of this shallow grave / With your Swiss Army knife / And only you could revive me, so badly decomposed
Lay down in the tall grass
Timber Timbre a récidivé en 2011 avec un quatrième album intitulé Creep on creepin’ on que je suis en train de découvrir et qui m’a tout l’air de se situer dans la lignée belle et (un brin) malade de ce Timber Timbre. J’en parlerai certainement un de ces jours.