Le temple du soleil
Temples Sun structures (2014, Heavenly)
Tout groupe de rock doit forcément se confronter au riche passé du genre. Si tous doivent se dresser sur les épaules des géants – pour reprendre une formule consacrée – , tous n’ont pas l’âme des novateurs, le regard fermement braqué vers le futur. Les Anglais de Temples ont ainsi semble-t-il simplement pris le parti de jouer et d’enregistrer la musique qui leur plaisait, à savoir le pop-rock psychédélique au goût du jour entre, disons, 1967 et 1973.
The guesser
Take a guess / The only thing is that the guesser is a mess / Walk on by / It’s just a difficult time in which the people could die
Du haut de leurs vingt ans, les deux figures de proue du groupe, James Bagshaw et Thomas Warmsley s’emparent d’une musique quinquagénaire avec un mélange idéal d’arrogance, d’innocence et de talent pour en livrer une version qui n’apparaît jamais poussiéreuse. Les deux gandins, évidemment flanqués d’un batteur et d’un bassiste, branchent leurs amplis pour jouer des chansons qu’on croirait droit sorties des répertoires de leurs idoles, de T. Rex aux Beatles en passant par les Byrds ou Led Zeppelin. Un peu moins d’une heure durant, les Temples trempent leurs pinceaux dans une palette multicolore de sonorités enfumées, de mélodies arc-en-ciel, d’harmonies vocales azurées et d’effets psychédéliques pour composer un tableau à la fois chargé et charmeur.
The golden throne
In the colour of day when you see the truth / Take a step to the front to their point of view / Understand what they mean when they say the words / When sorry is said, feel it to your bones
Choisir une voie aussi résolument passéiste n’est pourtant pas sans risque, surtout quand on manipule des fioles psychédéliques qui peuvent vite rendre l’atmosphère irrespirable. A plusieurs reprises, les fragrances un peu trop marquées des chansons peuvent ainsi monter à la tête de l’auditeur et lui causer davantage de migraine que d’illuminations. Le groupe s’en tire cependant avec brio en affichant suffisamment de souplesse et d’intelligence pour emporter le morceau. Si cette musique s’enracine profondément dans un héritage psyché-rock 60’s-70’s, les chansons fleurissent dans l’air du temps et sonnent suffisamment modernes pour ne pas ressembler à de pâles copies de leurs inspirateurs.
Shelter song
One night / You came on over to me / Late night / We shared a drink or three / Night night / I read a proverb to you / That night / She left a room with a view
L’album s’ouvre sur un Shelter song qui donne le ton, avec ses guitares droit sorties de Revolver et sa mélodie harrisonienne greffée sur une rythmique pleine de groove. Temples ne manquent jamais en effet de s’adresser à la fois aux jambes et aux sens de ses auditeurs, s’attachant à les faire danser dans un tube de kaléidoscope. Cette réjouissante ambition donne ainsi naissance à la formidable sarabande du bien-nommé Colours to life – petit frère des hymnes grandioses des Stone Roses – ou à la démarche irrésistiblement chaloupée de The guesser. Sur Keep in the dark, Temples assume pleinement ses influences bolaniennes, parsemées de quelques notes de harpe du plus bel effet. Les chansons regorgent d’ailleurs de ce genre de gimmicks, comme les traits de cordes (synthétiques ?) qui font rutiler The golden throne. Ce titre démontre d’ailleurs que le groupe s’approprie les codes du psychédélisme jusque dans ses fantasmagories orientales, qui font par exemple souffler un vent chaud sur un Sand dance de bord de désert. Avec Move with the season, les Temples s’ouvrent sous nos yeux les portes de la perception tandis que A question isn’t answer place les riffs fuligineux de Led Zeppelin sur un tapis de claviers pour bâtir au final un tourbillon sonore hypnotique.
Sand dance
Upon a question answers prevail / A vivid memory of which she’s unsure / A lesser meaning left among feelings / A pirouette left down on the ground
Sans être toujours génial – l’album aurait sans doute gagner à être raccourci d’une petite dizaine de minutes -, Sun structures épate par la fraîcheur d’une nostalgie assumée et apporte son tour sa pierre à une histoire plus grande que lui. On ne lui en demandera pas plus.
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