Entrez dans la danse
Barbagallo Danse dans les ailleurs (Almost Musique / Sony, 2018)
Faisons ce soir un petit pas de côté dans le déroulé du classement de mes 200 chansons francophones préférées et arrêtons-nous un instant, pour clore 2018, sur un des rares albums parus cette année que j’ai pu écouter, ayant toujours autant de mal à coller à l’actualité des sorties.
J’ai franchi les riens et les touts / Sans repos je suis allé / Sous les néons, dans les feux / D’herbes trop sèches / Sous les nuits bleues / J’ai comme on dit presser le pas / Une présence derrière moi
L’échappée
Je ne savais rien de Julien Barbagallo (quel nom !) avant la découverte de ce Danse dans les ailleurs paru en début d’année. J’ai depuis appris que le garçon était du genre hyperactif, se démultipliant entre ses aventures en solo – pas moins de trois albums au compteur – et ses activités de batteur chez Aquaserge et Tame Impala. Avec ce disque au titre joliment perché, le sieur Barbagallo se révèle en tout cas confectionneur inspiré d’une french pop aventureuse, parfois agaçante mais le plus souvent éminemment intrigante. J’avoue avoir été d’abord rebuté par la poésie vaporeuse de certains textes et par cette étrange façon qu’a le bonhomme de poser ses mots sur sa musique, comme si les deux ne parvenaient jamais à se rencontrer tout à fait. Plus Barbapapa que Vincent Gallo, le prénommé Julien finit par emporter le morceau par les entrelacs colorés et naïfs dont il fait l’étoffe de ses chansons. Car le garçon s’affirme au fil de ces neuf titres un songwriter habile et subtil, découpant dans un tissu cousu d’onirisme des pièces d’une belle distinction.
Affleure l’émerveillement / Le matin brille au creux de nos mains / Un vent se lève au milieu / Des frères
Les grandes visions
L’album s’ouvre avec la pop ligne claire de « L’échappée », où des claviers rétrofuturistes viennent enluminer une mélodie toute « beatlesienne ». Ces mêmes claviers, qui empruntent beaucoup à l’innocence barrée d’un Sébastien Tellier, apportent leurs teintes multicolores à d’autres titres, notamment le lumineux et optimiste Les grandes visions. Sur Glisse, on pense encore à Sébastien Tellier qui aurait croisé la route de Brendan Benson tandis que Les mains lentes étire sa nonchalance bonasse avant l’apparition épatante d’un saxophone moiré. Si les poses un brin béates du bonhomme finissent par empeser certains passages, Barbagallo parvient à d’autres moments à creuser d’improbables et magnifiques trouées dans le ciel de ses chansons, comme sur les transitions instrumentales qui viennent soulever Bouche sauvage. Le garçon atteint son meilleur sur le formidable L’offrande, sur lequel les merveilleux Kings of Convenience lui apportent un discret mais précieux soutien. Et c’est à un autre scandinave, Peter von Poehl, que fait penser la grâce liquide de Longtemps possible. Même si le final Je me tais peine à décoller vraiment et si notre attention s’éparpille un peu par instants, Julien Barbagallo apporte une lumière bienvenue dans une actualité bien sombre.
Dans les débris du jour / La nuit s’installe en nous / Nos ombres s’allongent / Nous abandonnent
L’offrande
Comme chaque année, ce blog va marquer un temps d’arrêt pendant la trêve des confiseurs. Rendez-vous en 2019, avec un top à finir et plein de musique dont j’aurai toujours autant plaisir à vous parler.