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Beirut Gulag orkestar (2006, Ba Da Bing!)
Je voudrais tout d’abord m’excuser pour cette période d’inactivité; il se trouve que la paternité s’avère une activité extrêmement chronophage, d’autant plus si on mène une vie professionnelle normale. Mais le jeu en vaut largement la chandelle. J’espère pouvoir retrouver davantage de régularité sur ce blog d’ici peu.
Revenons à nos moutons: en l’occurrence, c’est un drôle d’animal qui se cache énigmatiquement derrière ce nom de Beirut. Drôle de pseudonyme en effet pour un jeune Américain d’à peine vingt ans, Zach Condon, originaire du Nouveau-Mexique, et dont l’essentiel de ce premier album semble avoir été conçu les yeux et l’esprit dirigés vers notre vieille Europe. Influencé selon ses dires par un voyage en Europe effectué durant son adolescence, Condon délivre ici une musique nourrie d’influences slaves et tziganes auxquelles il apporte son background folk. Au final, le résultat sonne comme l’étonnante rencontre en plein désert (en plein steppe?) de Calexico et de Goran Bregovic, à mille lieues du cahier des charges rock qui forme le plus souvent l’imaginaire des jeunes gens de cet âge. Les guitares électriques cèdent ici la place à une impressionnante fanfare de violons, accordéons, mandolines, trompettes et pianos (presque tous joués en personne par notre jeune surdoué) tandis que les rythmiques sont assurées à tour de rôle par un tambour, des battements de mains ou une boîte à rythmes déglinguée. On pourrait presque parler de country moujik si le jeu de mots n’était pas si mauvais.
Sur le fond, Beirut livre un disque nomade, un disque de transhumance, charriant sur ses épaules une mélancolie bien plus ancienne que lui. Les envies d’ailleurs du jeune homme se lisent dans les titres de ses chansons (Bratislava, Brandenburg) mais le voyage se fait ici dans la douleur, le cœur chiffonné et les yeux rougis par larmes et poussière mélangées. Le chant plaintif de Condon renforce l’intensité dramatique des morceaux, morceaux toujours enveloppés d’un voile d’onirisme par ailleurs. La procession brinquebalante de l’introductif The gulag orkestar et son flot de trompettes titubantes nous plonge d’entrée dans l’univers tourmenté de Condon. S’ensuivent les excellents Prenzlauerberg et surtout Brandenburg, morceau de steppe balayée par le vent. Ce souffle quasi tragique se retrouve également dans l’excellent Mount Wroclai (qui évoque le meilleur Yann Tiersen) ou dans Rhineland. Beirut sait cependant réchauffer l’atmosphère et laisser entrer quelques rayons de soleil dans sa musique, notamment sur le génial Postcards from Italy où une mandoline rêveuse vient à la rencontre d’un glorieux essaim de trompettes. Le curieux Scenic world apporte aussi un peu de surprise avec sa boîte à rythme d’un autre âge que vient entraîner un charmant air celtique. On regrettera juste que la fin de l’album ne soit pas au niveau de sa première moitié, ces quelques chansons de moindre ampleur empêchant le disque d’atteindre de plus hauts sommets.
La musique hors du temps de Beirut semble avoir rencontré un certain écho en France. Le jeune Condon a fait paraître l’an dernier son deuxième opus, The flying club cup, que je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter. Pour information, le groupe sera à l’affiche des prochaines Nuits de Fourvière l’été prochain.
1 réponse
[…] an après son remarquable et remarqué premier essai – ce Gulag orkestar dont il fut question par ici – Zach Condon, l’âme de Beirut, remettait le couvert avec ce deuxième opus. Alors, […]