Cowboys punk
Kings of Leon Youth and young manhood (2003, RCA)
Alors que vient de paraître le sixième album de ce quatuor originaire du Tennessee, je ferai ce soir un petit retour sur son excellent premier opus paru en 2003. Dans la mouvance dite du « retour du rock » qui embrasa le début de ce siècle (Strokes, Libertines, White Stripes, et j’en passe…), les Kings of Leon surent se faire une belle petite place au soleil avec ce disque épatant, place qu’ils ont remarquablement su faire fructifier depuis d’un point de vue commercial – un peu moins d’un point de vue artistique.
This is just the way of the world Joe said / I had to put a bullet into his head / And then lit up a cigarette / Decided to call his fat friend Fred / Well he said Fred I just killed a man / Caught him laying with my girlfriend / And now they’re both dead, people can be so cold when they’re dead
Joe’s head
Fils d’un pasteur pentecôtiste, les trois frères Followill passent le plus clair de leur jeunesse à sillonner le sud des États-Unis avec leur famille. Après le divorce de ses parents, le trio s’installe à Nashville et commence à prendre part activement à la scène rock du coin, embrassant également avidement le mode de vie qui va avec. Avec le renfort du cousin Followill, les Kings of Leon trouvent leur formule musicale et sont remarqués par le label RCA qui publie leur premier EP, le remarqué Holy roller novocaine en 2003, rapidement suivi par ce Young and youth manhood de fort belle facture.
Just another girl that wants to rule the world / Any time or place / And when she gets into your head / You know she’s there to stay
Molly’s chambers
Rouflaquettes au vent et jeans pat’ d’éph’ aux fesses, le groupe plonge dans les racines sudistes du rock américain et vient frotter ces influences à la furie et l’urgence mélodique du meilleur punk-rock anglais. Ce mélange roboratif leur vaudra le surnom de « Strokes du Sud » mais au-delà de ces étiquettes réductrices et marketing, les Kings of Leon délivrent à toute berzingue 12 chansons à l’énergie contagieuse, toutes baignées d’une sorte d’indolence sudiste qui les rendent infiniment cool.
Don’t look back, keep your eyes ahead / It could be the night that the moon goes red, oh Lord
Holy roller novocaine
Les guitares dévalent riffs et gimmicks tandis que la voix rocailleuse de Caleb Followill habite les morceaux et leur confère une substance terreuse et chaude. Dès l’introduction de Red morning light, l’auditeur sent que ça va bientôt barder et le reste du disque est à l’avenant. Ainsi, par exemple, sur un Wasted time survitaminé, le chant de Caleb livre une course folle avec la guitare sans jamais perdre son souffle. Joe’s head et California waiting exposent une facette plus pop du groupe avec leurs mélodies emballantes. Sur les meilleurs morceaux de l’album, les Kings of Leon sonnent comme un Gun Club à la cool, délesté de la furie chamanique de Jeffrey Lee Pierce. Et si le groupe se permet quelques respirations avec les ballades bluesy Trani ou Dusty, il ne manque pas d’appuyer ensuite à nouveau sur l’accélérateur – Molly’s Chambers, Genius – pour conclure par le final euphorisant de Holy roller novocaine. Au final, voici un disque qui sent le cactus, la poussière du désert et la sueur et qui dégage une belle énergie virile teintée de ce qu’il faut de romantisme – qui affleure par exemple sur le tendre morceau caché placé en bout d’album.
I’ll be the king running near the wheel / I ain’t looking to make no deals here no
Genius
Au fil de sa carrière discographique, le groupe a peu à peu fait évoluer sa musique vers un drôle de rock psychédélique héroïque bâti pour les stades et un tantinet (euphémisme) prétentieux. J’avoue avoir décroché après leur Only by the night de 2008, un brin lourdingue malgré quelques réussites. Le petit dernier, Mechanical bull – un titre de cinq syllabes, comme pour tous les albums précédents – vient de paraître.