Dans la chaleur de l’été
Holden Chevrotine (2006, Le Village Vert)
Je n’ai longtemps connu de Holden qu’une chanson, une seule chanson de nuit et d’or, déroulant son atmosphère belle et tendue comme un film au ralenti, une fascinante projection torpide et torride emplie de rêve et de mystère. Cette chanson, c’était Madrid, et elle trône de toute sa splendeur au cœur de ce fort bel album, environnée de dix autres morceaux méritant eux aussi le détour.
J’ai bien le droit aussi / De railler, dérailler / Épuiser toutes mes envies / Mais qu’est-ce qui m’arrive / J’oublie, je bois / Je bois l’oubli
Ce que je suis
C’est en 1998 que le groupe, formé autour du duo/couple Armelle Pioline – Dominique Dépret (alias Mocke), fait paraître un premier album, L’arrière-monde. Le groupe mûrit à son rythme et attend quatre ans avant de publier son deuxième opus, Pedrolira, s’attachant alors les services du producteur allemand Atom, connu aussi sous le nom de Señor Coconut, qui deviendra un collaborateur régulier et précieux. Le succès est limité mais Holden continue son chemin, loin des sentiers battus, et enregistre entre 2005 et 2006 son troisième album, ce Chevrotine dont il sera ici question.
Madrid / Où sont tes icônes / A la voix cassée ou aphone / Où sont les anges qui dormaient sur les toits
Madrid
Holden délivre une pop élégante et raffinée, créant par petites touches un climat bien particulier, un temps d’été, mêlant langueur et mélancolie, le tout parsemé d’éclatantes trouées de lumière ou chargé de l’électricité de l’orage, passé ou à venir. La qualité des chansons est rehaussée sur les meilleurs titres d’une étonnante profondeur de champ, donnant parfois l’étrange impression de voir une ballerine évoluer au-dessus d’un gouffre. On pourra reconnaître chez Holden des influences glanées chez quelques éclaireurs de la musique d’ici, de Dominique A. à Françoise Hardy en passant par Autour de Lucie. Mais on retrouvera aussi des sonorités moins usitées dans la pop d’ici (du moins à l’époque), entre électronique planante et airs hispaniques. Le chant d’Armelle Pioline se pose sur l’ensemble comme une plume sur un cours d’eau, s’emparant de textes zébrés d’une poésie vespérale.
C’est moi qu’on abandonne / Qu’on laisse sur le pavé / Seule avec ma couronne / Sur le pavé
Sur le pavé
L’album aligne d’emblée un de ses plus beaux atouts avec le magnifique Ce que je suis, chanson-bulle qui s’élève et tournoie et rencontre en chemin l’averse et le soleil. Mais Holden a d’autres cartes en mains, qu’il joue sur la dynamique de Sur le pavé (inspiré par la Passion du Christ tout simplement) ou se fige en un délicat surplace baignée d’électronica sur Les cigales, qu’on dirait droit sorti d’un album de Broadcast. Sur L’orage, le groupe s’offre un fort joli duo avec Jean-Louis Murat, mais garde le meilleur pour la fin avec un L’essentiel évoquant aussi bien Françoiz Breut que les charmes hypnotiques du Autour de Lucie de Faux mouvement. On retiendra aussi le superbe Dès demain qui vient clore l’album ou plutôt lui donner une formidable ouverture atmosphérique, traçant de merveilleuses perspectives au cœur d’une nuit étoilée. On ne reviendra pas sur la force du génial Madrid, qui conserve tout son charme après d’innombrables écoutes. On pardonnera au groupe quelques morceaux plus faibles, plus étales et manquant un peu de consistance (Quelque chose en moi, Comme une fille) et on retournera se lover dans les arpèges somptueux de Dès demain ou les larsens cotonneux de Madrid.
Je souris bien sûr moi aussi / Aux anges de passage / Qui apparaissent là où on pensait plus / Voir quelqu’un / Pour qu’au hasard des nuits lointaines / Peut-être dès demain…
Dès demain
Le groupe a depuis fait paraître deux autres albums, Fantômatisme en 2009 et Sidération en 2013, que j’avoue ne pas avoir écouté.
1 réponse
[…] cœur bat plus fort encore à l’écoute de cette merveilleuse ballade ouvrant l’album Chevrotine de ce regretté duo parisien. Toute d’élégance rêveuse, le doux flottement de Ce que je […]