L’inconnu aux mains pleines
Jason Falkner Presents author unknown (1996, Elektra)
Pour conjurer une météo pour certains d’entre nous bien tristounette, je vous propose ce soir de faire le plein d’énergie et de lumière avec ce remarquable disque, beaucoup trop méconnu mais dont les vertus roboratives mériteraient de lui valoir d’être remboursé par la Sécurité Sociale.
My head’s full of nothing but lead, at least that’s how it feels in bed / I try to get up but I’m held upside down, give me something to calm me down
Miracle medicine
Jason Falkner n’est pas tout à fait inconnu pour les initiés quand il enregistre ce premier album solo en 1996. Nourri au biberon du rock West Coast puis saisi à l’adolescence par la collection de disques punk et new wave de sa sœur, le jeune homme, affichant par ailleurs une solide formation de piano classique, enchaîne d’abord quelques expériences au sein de groupes successifs. On le retrouve ainsi chez Three O’Clock à la fin des années 1980 puis comme guitariste de Jellyfish mais aucun de ces groupes ne décolle et Falkner peine à se satisfaire du statut de simple musicien, souhaitant pouvoir mettre en avant ses propres compositions. Faute de premier rôle, le garçon s’affiche comme brillant second rôle dans des productions de haute volée, jouant les hommes de l’ombre sur le fantastique It’s heavy in here d’Eric Matthews ou sur le premier album de Brendan Benson. Il finit enfin par décrocher un contrat chez Elektra et publie donc en 1996 cet excellent opus.
It’s a light that I’ve seen in your curious eyes / Like that thing we’re supposed to see when we die / Can I help it I want to see more
Don’t show me heaven
Avec Jason Falkner, comme chez ses compères Eric Matthews ou Brendan Benson – mais dans un autre style, on se trouve en compagnie d’un véritable orfèvre pop, capable de marier l’évidence du classicisme et la fraîcheur de la modernité. Il n’est qu’à écouter deux-trois morceaux ici présents pour constater à quel point Falkner est un mélodiste pop de grand talent, s’y entendant comme pas deux pour aligner des refrains et des couplets qui resteront accrochés à votre cerveau au bout d’une seule écoute. Mais comme si ce don n’était pas suffisant, l’Américain se révèle aussi brillant arrangeur et instrumentiste multi-cartes, jouant sur la plupart des morceaux de la totalité des instruments. Cela ne pourrait au final n’avoir guère plus d’importance qu’un simple numéro de cirque mais le résultat rayonnant invite à tirer un coup de chapeau à la performance. Comme je le disais plus haut, les chansons de Falkner mêlent classicisme et vitalité, dignes héritières des plus belles heures de la power-pop ou de XTC. L’auditeur a plusieurs fois l’impression de tenir en main quelques pierres merveilleuses, irradiantes et chaudes, qui empliraient la pièce d’une folle énergie. Car Falkner s’y entend également à créer dans ses chansons une dynamique redoutable, y compris sur les morceaux mid-tempo comme l’époustouflant Don’t show me heaven ou ce Nobody knows aux teintes psychédéliques.
Swear to God, cross my heart, stick a needle right through my eye / She’s the one that I seen, smiles at me when she’s driving by
I live
L’album s’ouvre par une bombe imparable avec un I live ascensionnel qui pourrait fort bien plaquer sur le visage de l’auditeur imprudent un drôle de sourire satisfait. Le début du disque se déroule sans faute de goût, entre un Miracle medicine pétaradant (comme des Buzzcocks en moins tourmenté), un Hectified progressant comme un train enchanté et un Don’t show me heaven constellé. Malgré quelques morceaux un poil (mais seulement un poil) plus anodins, la deuxième moitié de l’album demeure d’un excellent niveau, avec les remarquables Follow me ou Afraid himself to be, et un I go astray qui semble tout droit sorti de chez Jonathan Richman ou de chez le Ben Lee intouchable de Grandpaw would. Et malgré des textes aux teintes parfois douces-amères, le résultat brille d’une belle ardeur et d’un optimisme vivifiant.
I’m here inside your dreams, I’ll wake you with a scream (Afraid of himself to be)
Si ce disque valut une réelle reconnaissance critique à son auteur, il ne lui valut pas pour autant de quitter les habits de l’ « author unknown ». J’avoue un peu honteusement ne guère avoir suivi la carrière ultérieure du bonhomme, qui a notamment commis deux albums instrumentaux de reprises des Beatles. J’écouterai tout cela à l’occasion mais je ne me suis en revanche toujours pas lassé de cet album impeccable, remède aux jours moroses et parfait compagnon des weekends printaniers. Essayez, vous verrez.
1 réponse
[…] ambitieux. Assisté de l’épatant Jason Falkner (auquel on devra en 1997 le formidable Presents author unknown), Matthews peaufine ses chansons dans le havre de son studio, les gravant ensuite sur piste sans […]