Eugene McGuinness The invitation to the voyage (2012, Domino)
Né en 1985 dans la banlieue de Londres, Eugene McGuinness est repéré en 2007 et signé chez Double Six Records – filiale du label phare de l’indie-rock, Domino – sur lequel paraît un premier opus : The early learnings of Eugene McGuinness. Si ce court LP reçoit un excellent accueil critique, il passe inaperçu du public (et de votre serviteur également). Après un deuxième album solo éponyme paru un an après puis un autre sorti sous le nom d’Eugene & the Lizards, Glue, en 2009, la réputation de McGuinness commence peu à peu à enfler. Le jeune homme tourne en première partie de Miles Kane, autre jeune premier en vue de la pop anglaise, et fait paraître début 2012 une reprise remarquée du tube de Lana del Rey, « Blue jeans », qui précède de quelques semaines la sortie de ce troisième album, The invitation to the voyage.
We’re being followed / Driver, try to lose ’em at the next lights / They’re hot on our tail / They’re not gonna give up without a fight
Japanese cars
Ne suivant que de très loin l’évolution des charts, je ne saurais dire quelle fut la destinée commerciale de cet album mais j’ai malheureusement l’impression qu’elle ne fut pas à la hauteur du fort potentiel tubesque de ces chansons. Les premiers pas discographiques du jeune Londonien révélait déjà un goût pour une pop inventive, remplie d’idées originales et affichant au revers de la veste une certaine appétence pour l’emphase qui n’était pas sans rappeler les meilleurs moments de l’oublié Hawksley Workman. McGuinness enclenche néanmoins ici la vitesse supérieure et s’empare résolument du manche pour nous embarquer dans une réjouissante virée le temps de 10 morceaux clignotant comme une fête foraine. Plongeant sans vergogne les deux mains dans le tonneau de l’électro-pop eighties, McGuinness en ramène une brassée de mélodies roboratives et une énergie communicative. Il serait cependant erroné de réduire McGuinness à ce revivalisme eighties, tant ses influences excèdent le territoire d’une pop synthétique un brin datée. Au fil de l’album, on voit ainsi défiler guitares rockabilly (l’imposant Lion), cuivres et cordes barryesques sur l’orageux Thunderbolt ou une citation pleinement assumée du thème des Blues Brothers en introduction d’un Shotgun pêchu. La voix chaude et lyrique de McGuinness apporte de surcroît une touche « européenne » presque décadente, ne manquant pas de rappeler celle d’un Marc Almond dans sa façon de faire se rapprocher les sonorités synthétiques et l’expressionnisme du cabaret, en nettement moins vénéneux et bouleversant toutefois.
Standing on the rocks / Gazing across the blue lagoon / Sing me a melancholy melody / From your moon / The metropolis is growling / With bulldozers and vacuums / I don’t believe in magic / But I do believe in you
Thunderbolt
Peu importe les moyens, on s’aperçoit très vite que le dessein de McGuinness est bien de s’attaquer à nos jambes et à notre bassin, de nous faire nous trémousser et de coller ses mélodies chewing-gum au fond de nos oreilles. L’objectif est atteint d’entrée de jeu avec la paire d’as alignée dès l’incipit de l’album, Harlequinade et Sugarplum, dont la démarche chaloupée évoque un Kasabian moins enfumé. McGuinness réussit son coup à plusieurs reprises après cette ouverture dévastatrice, entre un Lion nourri aux amphétamines et à la caféine ou un Japanese cars démentiel placé en fin d’album, film noir électro-pop de haute tenue, haletant en diable. Mais le bonhomme peut également être intéressant quand il prend la peine de ralentir l’allure, comme sur le morceau titre dont la déambulation noctambule ne manque pas de classe.
So come sugarplum, what you got to lose ? / Masturbate in virtuoso so evacuate the venue / Come sugarplum the carnival is calling you / Blow a bubble in your gum and float over the ocean blue
Sugarplum
Certes, on pourra regretter quelques sorties de route comme un Concrete moon sans relief ou un Joshua franchement pénible, mais globalement, cette Invitation to the voyage mérite d’être acceptée : pas un road-trip existentiel qui bouleversera votre vie mais une bordée à vive allure un samedi soir en décapotable. C’est bien aussi non ?