Des hommes d’action
Franz Ferdinand Right thoughts right words right action (2013, Domino)
Déjà presque 10 ans que les Franz Ferdinand crevaient l’écran avec leur imparable premier album, porté par leur inépuisable Take me out devenu depuis hymne rock planétaire dont l’évidence et la qualité s’imposent encore à chaque écoute. Si j’ai – comme beaucoup- fort apprécié ce Franz Ferdinand rempli de tubes jusqu’à la gueule, la suite allait me laisser davantage perplexe et You could have it so much better (2005) a encore aujourd’hui tous les traits d’un ratage, malgré Walk away. Je perdis ensuite le groupe de vue, passant sans remords à côté de Tonight en 2009. J’avoue que je pensais même le groupe séparé quand est sorti ce quatrième album et seuls les hasards de la sérendipité m’ont conduit à le ramener sous le bras lors de ma dernière visite à ma médiathèque la plus proche.
What’s the colour of the next car ? / Yeah, RED, ya bastard / I don’t believe in god, but I believe in this shit / Not me
Evil eye
Mon public en haleine s’empressera de me demander mes impressions et je me garderai bien de le faire patienter cruellement. Et bien, ce disque m’inspire des sentiments partagés. Une chose est certaine, c’est que Franz Ferdinand est vivant, et bien vivant. Le groupe continue à faire montre d’une énergie communicative et n’a certes pas perdu la main pour ce qui est de confectionner des chansons diablement efficaces. Les Écossais produisent une musique visant la tête et les jambes, naviguant toujours dans des eaux mêlant punk et post-punk, quelque part entre Blondie, les Buzzcocks et les Talking Heads, et mâtinent ces influences de sonorités plus dansantes, empruntant au disco, au funk ou à l’électro. On reconnaîtra par ailleurs que le QI de la bande d’Alex Kapranos saute aux yeux et aux oreilles et, alors qu’il pourrait photocopier la recette de Take me out ou dériver vers quelque chose de plus putassier pour s’attirer les vivats du public, le groupe maintient un réel niveau d’exigence et, avouons-le, une certaine classe. Le chant impeccable de Kapranos, qui prend parfois des allures de crooner, n’y est d’ailleurs pas pour rien.
I stand on the horizon / I want to step across it with you / But when the sun’s this low / Everything’s cold / On the line of the horizon
Stand on the horizon
L’entame de Right thoughts… est en tous cas proprement excellente, le quatuor glaswégian alignant d’entrée de jeu un carré d’as rutilant et pétulant. Après un Right action discoïde (dont le riff m’évoque furieusement le Born to be alive de Patrick Hernandez) et punchy, Franz Ferdinand enchaîne avec le diabolique Evil eye puis un Love illumination chauffé au fer blanc par une batterie de cuivres qu’on ne s’attendait pas forcément à trouver par ici. Stand on the horizon semble ralentir d’abord l’allure avant de se déployer pour un final tout en transe sublimé par un arrangement de cordes du génial Owen Pallett. Si le disque avait continué sur ce rythme, on aurait tenu un petit (un grand ?) chef-d’œuvre mais la deuxième partie de l’album me laisse plus circonspect. Le plus troublant pour moi est en fait de reconnaître que les morceaux sont de qualité mais qu’ils ne m’inspirent rien de particulier, aussi vite oubliés qu’écoutés. Ce n’est qu’en fin de partie que le groupe redresse la barre, avec ce Goodbye lovers and friends tranchant et émouvant, et dont la préoccupation morbide (il est question de funérailles) vient clore le disque sur une note foncièrement pessimiste, lui conférant des atours de noirceur insoupçonnés.
Don’t wear bright colours / You know I hate bright colours / I never liked you for the way you dressed / Anyway
Goodbye lovers and friends
Au final, Right thoughts right words right action m’aura confirmé que Franz Ferdinand demeure un groupe digne d’intérêt, agile et élégant, auquel manque cependant ce “je ne sais quoi” qui lui permettrait d’avoir une place plus chère à mon cœur d’amateur de musique.