Un bon bol d’Air
Air Talkie walkie (2004, Source)
J’avoue ne m’être guère intéressé jusque là à la musique d’Air. J’ai bien apprécié certaines plages figurant sur la BO du film Virgin suicides (2000) ou accompagné du pied les basses gargantuesques de leur tube Sexy boy mais je me suis toujours laissé plus ou moins rebuté par l’imagerie de MM. Godin et Dunckel, entre futurisme et easy-listening. Comme j’ai passé l’âge de m’attarder sur ce genre d’a priori (enfin, j’essaie) , je me suis décidé d’emprunter ce disque – le troisième album studio du groupe après Moon safari (1997) et 10000 hz legend (2002) si l’on excepte la BO susnommée – à la bibliothèque la plus proche de chez moi.
Une première écoute un peu rapide m’effraya quelque peu, me faisant d’abord l’effet d’une tapisserie sonore sans saveur ni profondeur. L’album vaut finalement mieux que cela. Si Air préfère incontestablement le pastel aux couleurs vives, son mélange d’électro, d’easy-listening, de folk, de musique de film et de réminiscences gainsbouriennes – le tout produit par Nigel Godrich – produit au final une musique plus organique et vibrante qu’il n’y paraît. Derrière l’aspect éthéré de ces morceaux bruisse toute une vie riche et belle, un savant entrelacs de vaisseaux sanguins et de terminaisons nerveuses que l’on observe sous l’épiderme translucide.
Alors, bien sûr, certains titres transforment leur évanescence en inconsistance, tels les ennuyeux Venus, Run ou Biological, qui s’écoulent comme un filet d’eau tiède d’une oreille à l’autre. Air réussit cependant à se montrer convaincant sur une bonne moitié de l’album, à commencer par le superbe Cherry blossom girl, dont la phrase de guitare acoustique évoque l’intro du Je suis venu te dire que je m’en vais de Gainsbourg. C’est encore l’influence de Gainsbourg qui se fait sentir quand notre duo invite Michel Colombier, le génial arrangeur de Bonnie and Clyde, à parer de cordes majestueuses le sublime Mike Mills, instrumental tout en apesanteur. On retiendra aussi la mélancolie futuriste du fragile Universal traveler ou la drôle de traversée interstellaire que nous offre Surfing on a rocket. Alpha beta gaga décroche la palme de la mélodie crampon, avec ce sifflement idiot qui vient s’accrocher à nos oreilles pour ne plus nous quitter de la journée. L’album se clôt enfin avec l’onirique et génial Alone in Kyoto, que Sofia Coppola utilisa fort habilement pour accompagner les tremblements des cœurs des personnages de son Lost in translation.
Au final, sans être un chef-d’œuvre impérissable, ce disque offre son lot de très bons moments, prouvant que ce groupe mériterait d’être davantage prophète en son pays, alors qu’il ramasse nombre de lauriers à l’étranger. Le dernier album en date du duo est paru en 2007 et s’intitule Pocket symphony.
PS: difficile pour moi de passer sous silence la naissance de mon fils cette semaine et le magnifique charivari émotionnel qu’il a provoqué en moi depuis ce mardi béni. Un énorme bisou au petit Elias et tout mon amour pour lui et sa merveilleuse maman. Les mots me semblent bien insuffisants pour exprimer tout ça.
3 réponses
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[…] C’est peu de dire que ce disque suscita une certaine attente au moment de sa sortie, moins parmi le grand public d’ailleurs qu’au sein de certains cercles « branchés » me semble-t-il. En pleine vague « French touch », les deux Versaillais Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin avaient fait parler avec une série d’EP remarqués. J’avoue pour ma part être à l’époque complètement passé à côté, ne m’intéressant pas vraiment à cette touche française qui semblait mettre alors en émoi une bonne partie de la presse musicale, anglo-saxonne notamment. Je ne croiserai la route d’Air que quelque temps plus tard, comme je l’expliquais déjà ici. […]