Les chants de la pleine lune
Laura Mvula Sing to the moon (2013, RCA / Sony)
La fin d’année approche et comme de coutume, blogs et presse musicaux livrent chacun leur tour bilans et palmarès des meilleurs disques parus ces douze derniers mois. Point de classement annuel pour moi ici, mais le plaisir immense de revenir sur un album qui restera comme la révélation majeure – pour l’instant – de cette année plutôt riche d’un point de vue discographique, et qui vampirise sans vergogne ma platine depuis plusieurs semaines, révélant à chaque écoute de nouvelles beautés et de nouvelles richesses.
And I’ll fly on the wings of a butterfly / High as a tree top and down again / Putting my bag down, taking my shoes off / Walk on the carpet of green velvet
Green garden
Née à Birmingham en 1987, Laura Mvula découvre la pratique musicale par le biais d’un programme d’éducation en direction des familles modestes. Elle s’initie au piano et au violon et développe une culture musicale tournée vers le classique ou le jazz. A 18 ans, elle se retrouve embarquée au sein des Black Voices, quintette musical dirigé par sa tante et assez connu en Angleterre. L’expérience est mitigée mais permet à la jeune femme de faire ses classes. Elle s’inscrit ensuite au conservatoire où elle développe ses talents de compositrice. Elle décide finalement de démarcher maisons de disques et producteurs et attire l’attention de Steve Brown. Malgré leur trente ans d’écart, le duo se révèle complémentaire et à l’écoute du résultat, on ne pourra que les féliciter pour leur travail en commun.
Father Father why you let me go ? / Father please don’t let me go
Father Father
Quelque part entre soul et pop, Laura Mvula livre un disque d’une liberté et d’une richesse proprement sidérantes. La jeune femme use de son background classique pour dompter une instrumentation foisonnante où cordes, piano, harpe et autre célesta s’unissent et se mélangent pour orchestrer une fabuleuse élévation. Dans ses interviews, Laura Mvula indique que ces morceaux ont été écrits alors qu’elle était à la fois sous le choc du divorce de ses parents et dans l’euphorie de son propre mariage. Ballottée de sentiments contradictoires, la musique de Laura Mvula balance ainsi entre joie pure et mélancolie, parant d’évidentes fêlures d’habits de lumière paradisiaque.
I don’t know what the weather will be / Whether we’ll see a tomorrow / But if today is all I have to live / I’ll give it to you / Do what you want to
I don’t know what the weather will be
De la magie inaugurale du somptueux Like the morning dew, prodigieuse chanson comme tissée d’un morceau d’aurore à la beauté immaculée de Father, Father ou de I don’t know what the weather will be, Laura Mvula déploie sans faiblir un immense talent, multi-cartes qui plus est. Ainsi, on la retrouve aussi à l’aise pour convoquer l’énergie du gospel (Green garden) que pour livrer une ballade jazzy dépouillée au piano à faire frissonner un cœur de pierre (Father, Father) ou bien pour livrer d’impressionnants miracles de pop ascensionnel comme Flying without you (comme si Amy Winehouse chantait du Sufjan Stevens) ou l’extraordinaire Sing to the moon.
Sing to the moon / And the stars will shine / Over you lead you to the other side
Sing to the moon
A l’écoute de ce disque luxuriant, les références affluent pèle-mêle à notre esprit : Beach Boys, Björk, Nina Simone, Sufjan Stevens, autant d’esprits forts dont on entend ici et là les réminiscences, sans que jamais Laura Mvula ne se montre indigne d’une si prestigieuse ascendance. Bien au contraire, ses chansons témoignent d’une maîtrise bluffante, et la jeune femme sait aussi bien assembler d’époustouflantes harmonies vocales que laisser toute sa place au silence. Et c’est bien un souffle empli de spiritualité qu’on ressent tout du long de ces douze plages magnifiques. Quelque chose comme une âme, tout simplement. Si la lune écoute, elle doit être sacrément flattée de s’être trouvée pareille prêtresse…
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[…] Laura Mvula livrait en 2013 un formidable album aux idées larges, Sing to the moon, usant avec bonheur d’une solide formation classique pour naviguer avec une liberté […]