Le charme de l’éphémère
OP8 Slush (1997, Thirsty Ear)
Impossible ici de livrer un petit historique de ce groupe qui n’en est pas un. Derrière cet alias énigmatique se cache le fruit d’une collaboration remarquable entre Lisa Germano et Giant Sand. D’un côté une songwriter de haut vol évoluant pour faire vite dans des sphères country-folk mélancoliques; de l’autre, un étonnant combo piloté par Howe Gelb, exerçant depuis le début des années 1980 et dont l’influence allait s’avérer grandissante au fil du temps auprès de tout un pan aventureux de la scène folk-rock américaine, de Calexico (directement enfanté de Giant Sand puisque formé de deux membres du groupe, John Convertino et Joey Burns) à M. Ward.
Enfant unique d’une aventure sans lendemain, ce disque n’en demeure pas moins un joli coup de maître, paré du charme de l’éphémère. En ouverture, OP8 abat d’entrée un atout majeur avec une reprise risquée du génial Sand, classique rutilant du duo Nancy Sinatra/Lee Hazelwood, et réussit le tour de force d’aller titiller la suavité torride de l’original. La voix de Germano se pare ici de tous ses charmes langoureux et nous embarque dans un western sexy en diable. Germano et Giant Sand alternent les compositions et cette émulation nous offre à tour de rôle de biens beaux émois.
Il y a d’abord le somptueux If I think of love de Lisa Germano, dont la voix de rescapée envoûte comme jamais, drapée ici dans des arrangements de haut vol. Avec Leather, c’est Giant Sand qui livre une ballade country-folk toute en retenue, chaque note semblant résonner dans un espace spécialement conçu pour elle. Cette musicalité confondante se retrouve sur le merveilleux It’s a rainbow, sur lequel la voix de Germano vient poser ses textes remplis de bleus et de fêlures (« Feel the bottle / In his stomach / Alcoholic, alcoholic / That’s the way they like to call it » ) . Sur le morceau OP8 , le groupe nous gratifie d’un splendide pas de côté, mêlant folk, jazz et ces influences hispanisantes qui feront tout le sel de Calexico. On s’inclinera enfin bien bas devant l’époustouflant Cracklin’ water, qui évoque le meilleur des Nits dans sa façon de faire sonner au plus juste la moindre note, et de la faire scintiller comme une étoile. Le disque se conclut par une autre reprise de haute lignée avec une relecture cotonneuse du Round and round de Neil Young.
Comme je l’indiquais ci-dessus, ce disque est resté (jusque là) une aventure sans suite, chacun des protagonistes poursuivant sa route de son côté, celles-ci croisant la mienne à l’occasion, toujours avec plaisir. J’aurais certainement l’occasion de reparler de ces gens-là ici.