Un coin de ciel bleu
Aline Regarde le ciel (2013, Accelera Son)
La fin d’année approche, l’heure des bilans aussi, et j’aborderai aujourd’hui un disque qui m’a accompagné une bonne partie des derniers mois, avec ses richesses et ses faiblesses, mais revenant s’incruster à intervalles réguliers sur mon disque dur ou mon autoradio. Et si Regarde le ciel ne trônera pas au sommet de mon bilan annuel, il reste un disque suffisamment touchant et réussi pour briguer quelques lauriers.
Dans les yeux noirs d’un garçon elle se perd / J’aurais du essayer, ce soir je dormirai par terre / Dans les bras d’un autre homme elle se sert / Je bois et puis je danse, je ne sais pas comment
Je bois et puis je danse
Basé à Marseille, le groupe emmené par Romain Guerret (anciennement aperçu sous le nom de Dondolo) se fait d’abord connaître sous le nom de Young Michelin, qui remporte le concours CQFD des Inrocks en 2010 avec le morceau Les copains. Instamment prié par un Bibendum mal embouché de changer de patronyme, Young Michelin devient Aline mais ne perd pas la main pour autant. Et après l’épatant EP Je bois et puis je danse en 2012, le groupe publie ce premier album au tout début de cette année.
Quoi faire de moi, de mon cœur après toi / Je me souviens bien que tu n’aimais que moi / Le temps a passé et tu ne t’en souviens pas
Elle m’oubliera
Avec Aline, on a le plaisir de voir un groupe d’ici s’emparer sans complexe d’une forme pop qu’on croyait réservée aux anglo-saxons. Et quitte à faire, les Marseillais vont piocher dans les grandes heures du post-punk et de la pop anglaise des années 1980, années fastueuses s’il en fut. On retrouvera ainsi chez Aline des lignes de basse et des riffs droit sortis de chez Cure (celui d’après Pornography) et des arpèges aux réminiscences smithsiennes assumées. On pourrait y voir parfois une révérence un peu trop appuyée, mais le groupe s’empare de cette musique à merveille, avec brillance, simplicité et efficacité, le tout en français dans le texte. Et la production ligne claire de Jean-Louis Piérot, figure emblématique de la pop d’ici, rehausse encore le tout.
Sans vos yeux pour me parler / Vos mains pour me rattraper / Je penche, je penche / Je tombe
Teen whistle
L’album s’ouvre sur l’instrumental Les copains qui nous plonge d’emblée dans cette atmosphère eighties, à la fois tendu et romantique. Le début du disque est particulièrement réussi avec l’imparable Je bois et puis je danse et ses guitares funky, l’enlevé Maudit garçon et le superbe Teen whistle dont la mélodie se dévale cheveux aux vent. Deux hirondelles est une jolie chanson sur la paternité qui ne peut que toucher un papa fleur bleue comme moi. Et si la deuxième moitié de l’album m’emballe un poil moins, le groupe réussit à y placer ce petit bijou qu’est Elle m’oubliera, d’une évidence brillante tellement émouvante. On retiendra aussi les claviers débridés du morceau éponyme, le disque venant se clore par une relecture par Anne Laplantine teintée de mélancolie du morceau Les copains, histoire de boucler la boucle en beauté.
Je me fous de vous, moi j’ai deux hirondelles / Aux plumes argentées, posées sur le bout d’une aile
Deux hirondelles
Au final, Aline apparaît comme un digne héritier aussi bien de l’indie-pop anglaise carillonnante et flamboyante des années 80 que de quelques outsiders de la pop d’ici (on pense à Gamine). Le ciel est bleu, l’horizon dégagé et la musique est bonne, que demander de plus ?