Fontaines de jouvence
Fountains of Wayne Fountains of Wayne (1996, Tag/Atlantic)
Après Me’ Shell Ndegeocello, retour aujourd’hui à des plaisirs plus modestes; pas question ici d’envolées cosmiques ou de spiritualité lascive mais de filles et de voitures, de mélodies sucrées dévalées en trois minutes chrono toutes guitares dehors. Adam Schlesinger et Chris Collingwood se rencontrent sur les bancs d’une université du Massachussets en 1986, et, après plusieurs expériences musicales menées ensemble ou séparément, les deux compères fondent Fountains of Wayne en 1995, publiant ce pétulant premier album un an plus tard.
Le duo produit une musique éminemment juvénile, semblant sortir tout droit d’un teenage movie à la John Hugues. Sur le campus, nos deux compères ne figureraient à coup sûr pas l’un de ces étudiants populaires pompeux et fiers à bras, mais je ne les imagine pas non plus dans la peau du nerd typique, asocial féru d’onanisme et de jeux vidéos. Non, on aurait plutôt affaire ici à deux outsiders, trop discrets pour attirer l’attention des jolies filles du campus, et trop fins pour trouver leur place dans un univers souvent peu amène pour les jeunes hommes sensibles (on pourra se reporter à l’excellent roman Moi, Charlotte Simmons de Tom Wolfe pour avoir un aperçu de la vie étudiante sur les campus américains). Schlesinger et Collingwood se seraient alors réfugiés – comme tant d’autres – dans la musique, chérissant les mélodies impériales d’une certaine pop anglaise (Beatles en tête) mais aussi l’énergie et la vitalité acidulée du meilleur de la power-pop.
Fountains of Wayne use donc de vieilles recettes (guitares et mélodies électriques) pour bâtir ses bombinettes pop-punk, mais en use suffisamment bien pour surclasser les premiers pas besogneux de Green Day et aller chercher des poux à un groupe comme Weezer. Comme je l’indiquais plus haut, la quasi intégralité du disque tourne autour d’une obsession post-pubère pour la gent féminine et son agaçante propension à se choisir d’autres épaules que les nôtres pour y poser sa tête. Plusieurs chansons du duo règlent ainsi férocement leur compte à ces rustauds trop virils et trop lourds qui sortent avec l’élue de nos cœurs, de l’irradiant Radiation vibes au fantastique Leave the biker (« I wonder if that guy’s read one word / That wasn’t in a porno mag »). On remarquera que, comme le veut la vulgate pop, les paroles se font souvent plus inquiètes que les mélodies ne le laisseraient voir, comme sur l’entraînant Sink to the bottom dont le clavier sautillant accompagne de façon assez décalée une proposition de naufrage. Le groupe privilégie aussi ce ton doux-amer sur le touchant She’s got a problem ou sur le génial Please don’t rock me tonight, quand les mélodies en or ne parviennent plus vraiment à cacher les bleus au cœur.
Le disque ne récoltera qu’un succès d’estime mais le groupe poursuivra sa route entre les aventures solo de chacun de ses membres, Schlesinger menant notamment une carrière parallèle de producteur. En 1999, le duo publiera Utopia parkway porté par l’imparable Denise mais c’est en 2003 que Fountains of Wayne décrochera un véritable tube aux États-Unis, par la grâce du morceau Stacy’s mom sur l’album Welcome interstate managers. Un quatrième album, Traffic and weather, est sorti en 2007 mais je n’en ai rien su.