La tactique de l’élastique
Elastica Elastica (1995, Deceptive)
Après la somptuosité du Blue Nile, permettez-moi aujourd’hui de passer à d’autres choses, plus anodines, en revenant sur le premier album d’Elastica, groupe météore qui surfa comme tant d’autres sur la vague brit-pop alors à son sommet pour s’offrir son quart d’heure de célébrité. Je ne prétendrai certes pas que ce disque est un chef-d’œuvre mais Elastica propose suffisamment de morceaux efficaces et bien fichus pour que j’en garde une trace plutôt agréable dans ma mémoire musicale.
I hardly know you / But I think I’m going to / Let’s go siesta / In your Ford Fiesta
Car song
Justin Frischmann n’était pas réellement une jeune première quand elle forma Elastica en 1992 – avec Donna Matthews (guitare), Annie Holland (basse) et Justin Welsch (batterie) – puisqu’elle fut membre fondatrice de Suede aux côtés de Brett Anderson dont elle partageait alors la vie. Après leur séparation, Frischmann finit par quitter Suede qui connut le succès sans elle (les mauvaises langues de l’époque insinuant même grâce à son départ) pour s’en aller former son groupe : Elastica. Celui-ci allait aligner une suite de singles remarqués (et remarquables) au point de créer un buzz énorme en Angleterre autour de la sortie de son premier EP. Elastica arriva en tête des charts dès sa sortie et s’en alla même battre les records de vente établis quelques mois auparavant par le premier opus d’Oasis.
Drivel Head knows all the stars / Loves to suck their shining guitars / They’ve all been right up her stairs / Do you care ?
Line up
Elastica faisait aussi parler de lui pour de mauvaises raisons, sous lesquelles on pourra sans trop s’avancer déceler quelques relents sexistes. On parla largement de la relation amoureuse de Miss Frischmann avec un Damon Albarn alors au faîte de sa gloire brit-pop. Le groupe fut aussi fortement accusé de plagiat, plusieurs de ses morceaux présentant de réelles ressemblances avec des titres de Wire ou des Stranglers qui d’ailleurs portèrent plainte. Pour le coup, les mélodies de Waking up (Elastica) et de No more heroes (Stranglers) ou de Connection (Elastica) et Three girl rhumba (Wire) semblent effectivement bien proches mais l’histoire du rock est remplie de ce genre d’emprunts (“Personne ne vole, tout le monde emprunte” disait ainsi B.B. King) qu’on pourra voir comme d’habiles citations.
Make a cup of tea / And put a record on
Waking up
Si l’on veut bien prendre la peine de revenir à la musique d’Elastica, on n’y trouvera effectivement rien de novateur, le groupe allant largement puiser son inspiration chez ses aînés du punk et de la new-wave, mais le tout mâtiné d’une vraie pétulance pop et d’une touche sexy qui rendent ses meilleurs morceaux d’une efficacité diabolique. Frischmann et sa bande arrangent ainsi une poignée de tubes simples et directs, de l’introductif Line up au bondissant Connection en passant par les caracolants Never here et Waking up. Elastica alterne avec égal bonheur airs coquins où il est clairement question de cul (Car song qui célèbre le sexe automobile, Stutter ou Vaseline) et pop-songs plus agressives, comme les presque menaçants SOFT ou 2:1. Sur les 16 morceaux que contient l’album, on trouve bien quelques rogatons sans grand intérêt mais on ne s’en formalisera guère. Au final, Elastica réussissait à faire danser les morts avec suffisamment de fraîcheur pour qu’on s’y attache. On pourra préférer remonter aux sources de cette musique mais à l’occasion, ces succédanés au bon goût sucré nous désaltèreront avec bonheur.
And you lent me your records / And I leant you an ear / Funny how it seems to me now / That you were never here / Never really here
Never here
Elastica n’eut guère de postérité, un deuxième album à la gestation très compliquée, The menace, paraissant en 2000. La brit-pop était loin et le groupe se sépara définitivement dans la foulée. Si vous souhaitez savoir ce qu’ils sont devenus, vous pouvez aller voir par-là.