De l’or dans le désert
Pinback Blue screen life (2001, Ace Fu Records)
D’abord, et pour respecter la tradition, je commencerai par vous souhaiter à tous – amis lecteurs- une excellente année 2011, remplie de tout ce que vous pouvez espérer ou presque. J’espère de mon côté que j’aurai le plaisir de vous voir fréquenter ces pages à l’occasion et que ce que vous y lirez – et surtout ce que vous y entendrez – sera à votre goût.
C’est avec ce Blue screen life – le deuxième album du groupe – que j’ai découvert Pinback il y aura donc bientôt dix ans. J’aimai ce disque aussitôt et je remontai bien vite aux sources de la discographie du duo américain, soit ce merveilleux This is a Pinback CD que j’ai célébré ici même récemment. Avec les années, s’il me semble clair que le premier album du groupe demeure insurpassable, ce Blue screen life culmine toujours à très haute altitude.
Pinback conserve tous les ingrédients qui rendaient si précieux son premier coup de maître. Arpèges de guitare, basse agile et élastique, entrelacs des voix de Smith et Crow se répondant et se croisant, tout concourt à bâtir de fascinantes constructions emplies de beautés mystérieuses. Pinback parvient cependant à faire varier les climats de ses compositions pour éviter la redite. Si le premier album se teintait de nuances lacustres, naviguant entre le vert et le bleu, la musique du groupe semble avoir pris un véritable coup de soleil. Les paysages sont désertiques, la rivière qui coulait sur la pochette de This is a Pinback CD est asséchée et c’est un amas de pierres arides qui orne la jaquette du disque. La sécheresse fait ressortir les nerfs des morceaux et les guitares se font rêches pour des chansons aux tonalités plus rock (Offline p.k., Prog). Les ballades se traînent, écrasées par la chaleur, entre le reptilien Boo et le languide Your sickness, qui évoque la lenteur en majesté de Low. L’air lui-même est suffocant (Penelope). Et pourtant, la beauté se niche partout.
Pinback continue de démontrer sa capacité à composer des morceaux proprement ahurissants, comme le merveilleux West et son accordéon perdu sous les étoiles, gourde d’eau sous un cagnard éprouvant. Impossible de passer sous silence l’exceptionnel Bbtone, qui se déploie sous nos yeux ébahis, où une graine jetée au sol se transforme en forêt luxuriante et inquiétante à la fois. L’album se clôt – comme un rappel du morceau terminal du premier opus – par une bouleversante chanson de fin de parcours, ce Tres écrasé de solitude mais qui parvient quand même à décoller à des hauteurs entrevues seulement par une poignée de songwriters.
Pinback s’est depuis fendu de deux albums, Summer in Abaddon (2004) et Autumn of the seraphs (2007), et même si ces disques m’apparaissent quelque peu sous-estimés, le groupe n’a pas pour l’heure su renouveler ses deux premiers miracles. Après tout, beaucoup de groupes se contenteraient de n’avoir écrit qu’une seule des merveilles qui parsèment ses deux pépites…
Je ne connais que Blue Screen Life, qui est un album surprenant dès la première piste. Pour moi qui n’écoute quasiment pas de rock indé (je ne sais pas tellement ce que cela recouvre), j’y reviens souvent. Mention spéciale à Concrete Seconds, sa rythmique impeccable et son Moog.