Point et ligne sur plan : 10 leçons de géométrie
La réalisation de la playlist du jour repose en fait sur un malentendu, votre serviteur ayant cru que 2013 était l’année internationale des mathématiques. 2013 est en fait l’année internationale des mathématiques de la planète Terre : mon prétexte n’est donc pas tout à fait hors de propos mais qu’importe, les 10 morceaux sélectionnés vous donneront quand même 10 bonnes raisons de ressortir compas et rapporteurs de vos trousses de lycéens.
1. Josef K The angle (1981, The only fun in town)
On introduira cette sélection par ce morceau des Écossais de Josef K, mêlant la roideur du post-punk mancunien aux déhanchements amidonnés des premiers Talking Heads. Tranchant et dansant.
2. Jacno Rectangle (1979, Jacno)
Après avoir joué les éclaireurs du punk français avec Elli Medeiros au sein des Stinky Toys, le regretté Jacno peut aussi prétendre au titre de précurseur de la French touch et de toute une scène électro française, avec cet instrumental traçant une droite entre les expérimentations de Pierre Henry et les tubes de Daft Punk. Bande-son d’un dessin animé imaginaire ou d’une partie de Tetris, Rectangle tournoie en trois dimensions sous un éclairage stroboscopique, et rappelle avec brio le plaisir des enfants à dessiner des formes.
3. New Order Bizarre love triangle (1986, Brotherhood)
Impossible de concevoir une playlist sur la géométrie sans ce morceau fondamental de New Order, certainement mon préféré d’un groupe dont j’avoue ne pas être un inconditionnel. Bizarre love triangle évoque à la perfection l’euphorie teintée de mélancolie qui peut saisir les cœurs amoureux et me fait venir à chaque écoute la larme à l’œil : « I feel fine and I feel good / I’m feelin’ like I never should », on ne saurait mieux dire…
4. Weezer Pink triangle (1996, Pinkerton)
La power-pop de Weezer à son meilleur sur ce titre tiré d’un album pourtant mésestimé du groupe de Rivers Cuomo. Sur cette chanson emplie d’auto-ironie mordante, Cuomo décrit un coup de foudre sans issue pour une fille lesbienne. La mélodie pop est d’une efficacité redoutable mais la mélancolie suinte de partout, ce « triangle rose » suscitant bien des idées noires.
5. Bloc Party Ion square (2008, Intimacy)
J’avoue ne pas avoir exploré la discographie de Bloc Party plus avant que leur initial Silent alarm de 2005. L’écoute de cet impressionnant extrait de leur troisième opus pourrait bien m’inciter à me pencher de nouveau sur la musique des Anglais. Titre tout d’électricité nocturne, Ion square est une magnifique déclaration d’amour galvanisante, emplie de sensualité et de magnétisme.
6. R.E.M. Perfect circle (1983, Murmur)
Sur ce disque casse-tête qu’est le premier LP de R.E.M., Perfect circle figure une sorte de clairière, un moment de répit et de contemplation, porté par une phrase de piano de Mike Mills et le timbre nimbé de brume (comme le reste du disque) de Michael Stipe. Onirique à souhait.
7. PJ Harvey One line (2000, Stories from the city, stories from the sea)
Tiré de son fondamental Stories from the city, stories from the sea, ce titre évoque assez bien l’imposant mélange de sauvagerie et de maîtrise qui baigne ce disque lumineux. PJ Harvey trace ici une ligne qu’on imagine de feu, aussi bien pour relier deux cœurs que pour les séparer du monde. Brillant.
8. Feist The circle married the line (2011, Metals)
Il était normal que le cercle et la ligne finisse par se rencontrer, et c’est à la remarquable Feist qu’il revient d’en célébrer l’union sur ce titre somptueux, qui affiche la liberté de ton d’une songwriter confirmant disque après disque son ampleur. The circle married the line déploie son orchestration multicolore (cuivres, cordes, piano, guitare) avec la grâce affolante d’un oiseau se laissant porter par les courants ascensionnels. Risque de vertige garanti.
9. Kings of Convenience Parallel lines (2001, Quiet is the new loud)
On ne recommandera jamais assez le folk scandinave des deux garçons de Kings of Convenience, dont ce premier album nous avait fortement séduit à l’époque. Parallel lines est de ces chansons contre lesquelles on peut se blottir comme au coin du feu, tandis que le brouillard tombe au-dehors et que quelques notes de piano tombent dans notre salon comme des flocons soyeux.
10. The Divine Comedy Assume the perpendicular (2010, Bang goes the knighthood)
On tranchera avec le dépouillement folk des Kings of Convenience avec ce fantastique extrait du dernier (et remarquable) album en date du prodigieux Neil Hannon, sur lequel le génial Irlandais fait montre une fois de plus de son talent hors norme, le temps d’un titre irrésistible et facétieux, drôle et touchant à la fois. Redressez-vous contre la grisaille des jours avec The Divine Comedy.