Moines pervertis
The Married Monk The Jim side (1996, Rosebud / Ici d’Ailleurs / Barclay)
Originaire de Cherbourg, Christian Quermalet fait ses premières armes au sein d’une scène rock underground à la française, des Tétines Noires aux éphémères Swam Julian Swam. Il rencontre Philippe Lebruman et fonde The Married Monk, qui fait paraître en 1994 un premier album remarqué There’s a rub (que je ne connais pas). Deux ans plus tard, le groupe enchaîne avec ce remarquable (et oublié) The Jim side, produit par l’excellent Jim Waters.
The Married Monk apparaît alors comme une sorte d’OVNI (OMNI – avec M pour musical?) dans le paysage musical français. Le groupe affiche résolument ses influences anglo-saxonnes, chante en anglais, mais sans paraître pour autant pouvoir être affilié à aucune école. The Married Monk reprend aussi bien Kate Bush que les Ramones, navigue entre folk bucolique, pop vaporeuse et instrumentaux morriconiens (The gospel according to Saint Rocco) et semble prendre un malin plaisir à se trouver où l’auditeur ne l’attend pas. Quermalet et ses compères font preuve d’un talent d’écriture leur permettant d’habiter avec un égal bonheur différents styles, et c’est plus un certain mauvais esprit qui semble constituer le fil rouge de l’album. Les textes se font volontiers dérangeants comme sur l’introductif Fetishism où sont évoqués pêle-mêle sous-vêtements féminins et odeurs menstruelles, et à plusieurs reprises, les nappes de clavier insufflent une atmosphère oscillant entre inquiétude, torpeur et menace larvée.
Le groupe transforme ainsi radicalement le Beat on the brat des Ramones en lui faisant subir une radicale cure de tranquillisants, et cette reprise sous morphine prend des atours pervers encore plus prononcés que la version originale : “Beat on the brat / With a base-ball bat”. The Married Monk sait aussi délivrer quelques compositions soyeuses d’une grande beauté, comme le formidable Coco clown ou les déchirants Bachelorhood fields et Wandering nerd, morceaux perclus de solitude sur lesquels le chant de Quermalet émeut réellement. Même chose sur la superbe reprise du Moving de Kate Bush qui se singularise par un drôle de lyrisme ankylosé. On retiendra également le plus léger mais brillant Novice, sur lequel Quermalet endosse les habits d’un jeune puceau repoussant les avances d’une fille de petite vertu tout en souhaitant hardiment qu’elle ne l’écoute pas.
Les Married Monk n’attireront malheureusement pas pour eux les regards d’un large public. Ils reviendront 5 ans plus tard avec le remarquable R/O/C/K/Y , disque forte tête et indocile ne se conformant à aucun cahier des charges. Deux albums ont suivi depuis, The Belgian kick en 2004 et Elephant people en 2008 mais je ne connais pas ces disques. J’avoue même ne pas savoir si le groupe existe encore en tant que tel. A l’écoute de cet excellent The Jim side (titre évoquant le côté du Père Lachaise où se trouve la tombe de Jim Morrison et sur lequel donnait l’appartement de Quermalet à l’époque), j’ai l’impression que le groupe est arrivé trop tôt et qu’il aurait peut-être pu être surfé sur cette vague d’inspiration folk-pop qui irrigue la scène française depuis quelques années (Cocoon, Moriarty, etc.). En même temps, pas sûr qu’un groupe aussi indocile et malaisant n’ait pas joué les loups dans la bergerie…
1 réponse
[…] les chansons sans collier de ces Rennais trop méconnus. Ce Sailor song languide sur le superbe The Jim side trance ainsi une drôle de route sinueuse et belle, faite de claviers cotonneux, d’une […]