Jours fragiles
James Laid (1993, Mercury)
Malgré ses immenses qualités artistiques, le génial Stutter n’obtint qu’un succès d’estime auprès du public. En réaction, James se replie alors sur lui-même, de plus en plus intransigeant face aux concessions demandées par l’industrie musicale. La sortie d’un deuxième album, Stripmine, est retardée à 1988 et le résultat s’avère du coup moins réussi que le précédent, le groupe semblant chercher sa voie. Booth écarte le batteur Gavan Whelan et la musique de James s’ouvre alors aux sonorités en vogue, allant respirer les effluves enfumées des clubs de Manchester dans lesquels triomphent alors Stone Roses et autres Happy Mondays. Après Gold mother en 1990, James décroche enfin un véritable hit en Angleterre avec le single Sit down, qui surfe avec brio sur la vague Madchester. Seven paraît en 1992 et James apparaît alors de plus en plus éloigné de la ferveur fragile de leur premier opus, le lyrisme glorieux du groupe frisant plus d’une fois avec une certaine emphase. Le groupe décide alors de s’adjoindre les services de Brian Eno à la production de son nouvel album, et cette rencontre va s’avérer grandement bénéfique pour sa musique.
Sur ce Laid (qu’on pourra traduire par « Allongé » et donc « Baisé », mais qu’on peut aussi traduire par « Licencié »), c’est un James sinon plus serein, du moins plus mature que l’on retrouve ici, qui semble surtout se rassembler sur lui-même pour retrouver quelque chose de la belle humilité de ses débuts et du dépouillement habité de Stutter. James ne retrouve pas la grâce et la violence de son premier effort studio mais délivre un disque de fort belle facture, rempli d’excellents morceaux, auxquels la production d’Eno vient apporter suffisamment d’espace pour que le lyrisme du groupe se déploie sans étouffer ni alourdir l’ensemble.
L’album s’ouvre ainsi sur le magnifique Out to get you, tout de fragilité vibrante, aux paroles mêlant manque amoureux et paranoïa, et sur lequel Tim Booth se montre dans une nudité belle et touchante. James enchaîne ensuite sur le remarquable Sometimes (Lester Piggott), morceau tout en nerfs sur lequel les guitares semblent pleuvoir au diapason du déluge dont parle la chanson, Booth semblant assister au cataclysme qui se déchaîne sous ses yeux avec la joie de celui qui en attend un renouveau. L’album offre ensuite son lot de compositions de bonne tenue, de ce One of the three (en référence à Jésus-Christ?) teinté de compassion et d’amertume à l’inquiétant Dream thrum, de la tension crépusculaire de Everybody knows à la douce élégie de Lullaby.
Curieusement, alors que ce disque est d’une qualité moindre que Stutter, je l’ai sans doute écouté plus souvent, d’une part parce que je l’ai découvert avant mais aussi peut-être parce que son charme enveloppant est plus « confortable » que son brûlant prédécesseur. James livre ici un disque agréable sans être insipide, simple et fragile. J’avoue ne plus avoir suivi les aventures discographiques du combo que je mentionnerai quand même ici: Whiplash (1997), Millionaires (1999), Pleased to meet you (2001) et ce Hey ma paru en 2008.
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[…] comme une resucée de Simple Minds (cf le morceau « Born of frustration »). Le très beau Laid de 1993 est le dernier album que j’ai écouté du groupe, celui-ci ayant sorti depuis quatre […]