Masters
Lundi dernier se terminaient à Londres les Masters de tennis, et il n’en fallait pas plus à mon esprit (sans doute) un brin dérangé pour essayer de concocter une playlist “de maître”. Voici donc pour vos oreilles le résultat de ces cogitations, en 10 coups de maître (ou presque).
1. Leonard Cohen Master song (1967, sur Songs of Leonard Cohen)
Il semblait judicieux de pouvoir commencer cette liste avec un titre de Leonard Cohen, dont l’œuvre entière est traversée par les rapports de domination, en premier lieu amoureux. Issu du premier album du “Maître”, Master song aligne tous les ingrédients qui en font le charme vénéneux : la profondeur acoustique encore accrue par la subtilité des arrangements (cuivres et cordes), la voix sépulcrale de Cohen et sa poésie d’ombres et de lumières.
2. Pulp Master of the universe (1986, Freaks)
Ce chef-d’œuvre mégalomane occupe une place de choix sur l’époustouflant premier album du groupe de Jarvis Cocker. Emphatique, d’une puissance dramatique peu commune, Master of the universe figure un imposant maelström qui vous soufflera littéralement. Fondamental.
3. Depeche Mode Master and servant (1984, Some great reward)
Depeche Mode est décidément un groupe étonnant, qui réussit à décrocher un hit international avec cet hymne SM, aux stridences et dissonances a priori peu adaptées au confort des charts. Classique de la new-wave, Master and servant demeure encore aujourd’hui une machine d’une efficacité redoutable, puissante et perverse à la fois. On ne s’en lasse pas.
4. Stevie Wonder Master blaster (jammin’) (1980, Hotter than July)
Alors sous la haute influence de Bob Marley, qui lui avait apparemment laissé taper dans son stock de ganja (“I can say that I’m ecstatic (…) / We’ve agreed to get together / And join as children in Jah”), Stevie Wonder décochait en 1980 ce tube en or massif, au groove imparable et à la souplesse féline. Du Wonder à son meilleur, hédoniste en diable mais suffisamment pêchu pour ne pas verser comme trop souvent depuis dans le sirupeux.
5. Andrew Bird Masterfade (2005, The mysterious production of eggs)
Une de ces ballades dont le grand Andrew Bird a le secret, aérienne et déliée et dont chaque élément semble défier les lois de la pesanteur : le chant, la guitare acoustique qui conduit l’ensemble sur ses ailes, les cordes gracieuses et ce sifflement inimitable qui propage dans l’air des ondes bénéfiques, quelques grammes de beauté dans ce monde de brutes…
6. Yules The unconscious master (2007, The release)
En mémoire d’une jolie prestation scénique à laquelle j’ai pu assister il y a maintenant 5 ans du côté de Montbéliard, je suis ravi de pouvoir placer ici la pop finement ourlée de ce duo franc-comtois avec cette ballade ensoleillée, naviguant quelque part entre les Beatles et Ron Sexsmith, figures tutélaires fort recommandables ma foi. Charmant.
7. The Divine Comedy Mastermind (2001, Regeneration)
Même si Regeneration n’est pas mon album préféré du formidable Neil Hannon, il contient comme tous les disques du bonhomme son lot de titres qui méritent le détour. Mélancolique à souhait, on retiendra ici ce Mastermind qui démontre, s’il en était besoin, que Hannon sait aussi la jouer profil bas de fort belle manière.
8. Sonic Youth Master-dik (1987, Sister)
Ce Master-dik termine tel un sabbat infernal ce disque bouillonnant, claque magistral asséné par les indispensables New-Yorkais. Cinq minutes chaotiques de furie bruitiste qui vous décoiffera les oreilles pour votre plus grand bonheur – ou pas, tympans sensibles s’abstenir…
9. Bob Dylan Masters of war (1963, The freewheelin’ Bob Dylan)
Ma connaissance de Bob Dylan est encore bien maigre (honte à moi) mais j’ai quand même quelques notions. Avec ce deuxième album, Dylan s’impose comme figure folk et ses protest-songs vont en faire une icône, l’une des nombreuses incarnations que le personnage revêtira au fil des années. Ici, Dylan reprend la mélodie d’un morceau traditionnel, “Nottamun town”, que reprendra quelques années plus tard Fairport Convention, pour asséner sa vindicte à ces “Masters of war” qui faisaient planer sur l’époque tant de menaces.
10. Léo Ferré Ni Dieu ni maître (1973, Et… basta!)
Comme pour Dylan, je ne connais que des bribes de l’œuvre gigantesque de Léo Ferré, mais j’y découvre à chaque nouvelle incursion des trésors qui semblent inépuisables : une langue sauvage et belle, une richesse musicale inouïe, une force, une violence, une beauté sans pareilles. On lui laissera donc le mot de la fin : “Cette parole de prophète / Je la revendique et vous souhaite / Ni Dieu ni maître”. On ne saurait mieux dire.